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en minorité, pendant quelques années encore, quant aux actes de sa vie civile, sinon les moins sérieux, du moins les plus personnels et qui ne peuvent guère engager que lui. Mais il ne faut pas faire de changemens apparens et soulignés par une loi là où les changemens se font tout seuls, discrètement, sans blesser, par le train quotidien des choses.

Il est toujours fort délicat d’ôter un droit ou d’y retrancher. Et, d’autre part, il ne faut pas non plus exagérer la valeur de l’âge comme élément de la capacité électorale. Il en a une évidemment, mais elle n’est pas absolue : le coefficient s’élève et s’abaisse, avec les individus. Tirer de l’âge seul une présomption de capacité électorale et régler sur lui seul le droit de suffrage, c’est, en voulant lui faire rendre plus qu’elle ne peut donner, fausser une idée juste. Cette idée juste, on la faussait, en la poussant jusqu’à l’absurde, quand on proposait, en Belgique, de conférer l’électorat « aux citoyens les plus Agés dans la proportion de 10 pour 100 de la population communale. » Les citoyens les plus âgés ne sont pas nécessairement les seuls capables ni même les plus capables de voter.

N’admettre que des électeurs de 25 ou de 30 ans n’est une sûreté ni contre la corruption, ni contre l’ignorance, ni contre l’incohérence, ni contre la mobilité, ni contre aucun des maux du suffrage universel. Reculer l’âge de l’électorat et attendre que le suffrage universel en devienne sage, éclairé, conséquent et incorruptible, serait s’exposer à attendre longtemps et, finalement, manquer le but. Il peut n’être pas mauvais de le faire, et même il doit, être assez bon de le faire, par la loi si on le peut, dans la pratique si on ne le peut plus par la loi ; mais ce n’est pas, à beaucoup près, tout ce qu’il y aurait, tout ce qu’il y a à faire.


Le domicile.

Et tout ne serait pas fait si, en même temps qu’on reculerait l’âge électoral, on exigeait, pour conférer le droit de vote, une plus longue durée de domicile. Cette durée, comme l’âge de l’électorat, n’est pas la même dans les divers pays. Les conditions en sont ordinairement plus rigoureuses pour l’électorat communal que pour l’électorat politique, et cela va de soi, si tout citoyen, où qu’il puisse résider, a des intérêts politiques dans l’État, mais peut néanmoins ne pas avoir d’intérêts municipaux dans la commune qu’il habite en passant, sans s’y établir à perpétuité ; ce que la théorie traduit ainsi : « L’État est de droit public et général ; la commune est, surtout, de droit privé et local. » Les