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le moyen existe, ce ne saurait être que celui-ci : Repasser un à un tous les systèmes imaginés depuis qu’on s’est aperçu des vices du suffrage universel, depuis cinquante ans que nous l’avons ; les analyser un à un et les critiquer par rapport à chacun des termes énoncés, en se souvenant qu’il ne s’agit pas seulement de corriger ou d’atténuer tel ou tel des inconvéniens du suffrage universel inorganique, mais bien d’organiser le suffrage universel ; de l’organiser profondément et presque au sens qu’a le mot en biologie ou en physiologie ; qu’il ne s’agit pas de moins que de mettre d’accord l’institution nationale avec la vie nationale ; et, en somme, de substituer à quelque chose de très simple, mais de mort-né, quelque chose de vivant, mais par là même d’assez complexe.

Ainsi, le chemin est tracé : aller du tout simple au moins simple, du moins simple au plus compliqué, et, cependant, prendre garde que si aucun de ces systèmes ne fournit à lui seul, sans doute, la solution cherchée, chacun d’eux ou quelqu’un d’entre eux peut apporter un élément de solution ; que si aucun d’eux, sans doute, n’organise le suffrage universel, plusieurs d’entre eux peuvent quand même servir à l’organiser. — Nous ne verrons donc guère, au début, que les plus timides et, par conséquent, les moins efficaces, ceux qu’on appellerait volontiers des expédiens ou des palliatifs ; mais, s’ils contiennent quelque parcelle dont on puisse tirer de l’ordre et de la vie, et qui soit à quelque degré un principe d’organisation, il serait dommage de la perdre, pour les avoir jugés trop vite et les avoir rejetés trop dédaigneusement.


I. — EXPÉDIENS COMPATIBLES AVEC LA FORME ACTUELLE

L’Éducation du suffrage universel.

Ce qui vient d’abord à l’esprit, c’est que l’éducation du suffrage universel n’est pas faite et qu’il faut la faire. Là-dessus, on n’hésite pas ; on ne s’interroge pas ; et pourtant, il vaudrait la peine d’y réfléchir : en effet, qu’est-ce, au juste, que de faire l’éducation du suffrage universel ? et cette éducation, si hautement désirable, peut-on ou ne peut-on pas la faire ? et à supposer qu’on l’entreprenne, avec quels instrumens, par quels procédés ? On en voit trois ou quatre : l’école, la presse, les associations libres, enfin une sorte d’auto-éducation, — l’électeur, en votant, s’apprenant à voter, comme c’est, si l’on en croit le proverbe, en forgeant qu’on devient forgeron.

L’école, l’école primaire, de la ville au village. Mais qu’y enseignera-t-on ? La lecture, l’écriture, les quatre règles de