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perpétuelle. Ce dernier cas toutefois est exceptionnel en Russie, où presque tous les emprunts sont dotés d’un fonds d’amortissement. L’administration romprait avec une tradition tutélaire si elle s’engageait plus avant dans cette voie de conversions de rentes amortissables en perpétuelles, qui ont soulagé le présent en surchargeant l’avenir. D’autre part il est dangereux de se laisser aller à inscrire au budget extraordinaire des dépenses telles que la transformation de l’armement, qui, si elles ne se répètent pas tous les ans, sont fatalement destinées à se reproduire au bout de périodes que la science moderne ne cesse d’abréger.

Quant aux recettes, le conseil de l’Empire a voulu au contraire en maintenir le plus grand nombre possible au titre extraordinaire, afin d’éviter les mécomptes dans l’avenir. Doivent être portés à ce budget : 1° tous les produits d’emprunts ou opérations de crédit généralement quelconques, y compris le montant des dépôts versés à titre perpétuel à la Banque de l’État[1] ; 2° toutes les entrées de quelque importance provenant de rattachemens aux fonds généraux du Trésor de fonds spéciaux ou de l’aliénation d’élémens importans du domaine public ; 3° tous les remboursemens au compte Capital effectués par des compagnies de chemins de fer.

Ces diverses règles sont empreintes d’une grande sagesse. Si elles sont appliquées, les budgets russes pourront sous ce rapport servir d’exemple à plus d’un ministre des finances occidental.

Les recettes ordinaires sont légèrement supérieures aux dépenses de même nature ; ce qui permet de ne faire appel aux ressources extraordinaires que pour une somme moins forte que les besoins de celle seconde catégorie. Ceux-ci sont presque exclusivement dus à des constructions de voies ferrées, avant tout du Transsibérien, auquel plus de 50 millions de roubles sont affectés, et des chemins de fer économiques, inscrits pour 10 millions : les autres lignes exigeant 32 millions, c’est un total de 94 millions qu’absorbent ces travaux. Les 71 millions qui manquent pour équilibrer les recettes sont fournis jusqu’à concurrence de 2 millions par les dépôts perpétuels de la Banque de Russie et de 69 millions par un prélèvement sur l’encaisse disponible du Trésor. Ce dernier point demande une explication.

Il est de tradition en Russie d’avoir, en dehors des ressources courantes, ainsi que le fait remarquer l’éminent professeur

  1. Ces dépôts perpétuels sont des sommes placées à fonds perdus sur lesquels l’État bonifie l’intérêt à raison de quatre moins l’impôt, soit 3,80 p. 100. Les récépissés délivrés par la Banque constituent des titres de rente incessibles et inaliénables, mais transmissibles après le décès de l’ayant-droit.