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toute la Cisleithanie, où siègent des députés tchèques, en est la négation directe et la violation de tous les jours.

Assurément, il ne saurait être question de se séparer de l’Autriche. L’union avec la monarchie de Habsbourg est une nécessité pour les pays de la couronne de saint Venceslas. C’est leur seule sauvegarde contre l’absorption et l’engloutissement par l’Allemagne. Mais cette union peut revêtir bien des formes, et elle se concilierait admirablement avec le respect des points essentiels de la constitution du pays et de son autonomie traditionnelle. L’Autriche, disait, il y a cinquante ans déjà, un des plus éminens parmi les Tchèques, sera fédérative ou elle ne sera pas. Entre toutes les formes de fédération que la fertilité du droit public moderne a su inventer, le choix serait à faire et la formule à trouver ; mais en réclamant le système fédératif sous une forme quelconque, les Tchèques, il est impossible de ne pas le reconnaître, ne réclament que le minimum de leurs droits.

Ce n’est pas qu’ils soient, eux-mêmes, tous d’accord dans leurs revendications, et surtout dans la conduite politique à tenir pour les faire triompher. La division des partis, vieux-tchèque et jeune-tchèque, qui a éclaté vers 1879, à propos de la présence des députés au Reichsrath, est une des calamités de la Bohême, et le serait surtout si elle devait durer. A vrai dire, pourtant, elle s’explique par l’extrême difficulté de la situation. Sans alliés solides, en face de ministères autrichiens qui ne diffèrent le plus souvent que par le degré de leur mauvaise volonté, et d’un Reichsrath où la majorité est allemande, ayant de plus à tenir tête à l’hostilité des Hongrois et au danger qui vient d’Allemagne, le peuple tchèque peut-il nourrir des espérances sérieuses ? Les Vieux-Tchèques sont d’avis de les borner, et de ne réclamer que l’absolue égalité de traitement des deux nationalités tchèque et allemande. Les Jeunes-Tchèques, qui ont obtenu aux dernières élections une majorité écrasante, sont d’avis contraire. Pour eux, l’égalité de traitement viendra nécessairement ; on y marche tous les jours. Ce qu’ils entendent réclamer de toute leur énergie, c’est la reconnaissance de tous les droits de la Bohême, c’est la constitution d’un État analogue à celui de la Hongrie, depuis 1867. Le dualisme, pour les Jeunes-Tchèques, n’est qu’une étape. L’injustice serait souveraine de ne pas étendre au moins à la Bohême le bienfait de l’autonomie dont la Hongrie jouit depuis près de trente ans.

Il est difficile de n’être pas frappé de ce que ces aspirations ont d’équitable. Un certain degré d’autonomie est la condition de la vie d’une nation, et si la Bohême ne l’obtenait pas, le résultat