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Schulverein, plus puissant, il est vrai, et plus ancien de date, qui n’a pas moins de 500 comités en Bohême, 152 en Moravie et 51 en Silésie, sans compter 244 en haute et basse Autriche. La même inégalité se retrouve dans les ressources. Les recettes de la Matice se sont élevées, en 1893, à 221 943 florins, et ses dépenses à 197 346 florins, alors que le Schulverein, soutenu par les banquiers allemands et israélites, alignait 284 547 florins de recettes et 231 242 florins de dépenses.

La difficulté d’action est, aussi, bien plus grande pour la Matice. L’école allemande germanise les enfans qu’elle instruit. L’école tchèque ne slavise personne, par la raison décisive que les enfans allemands ne la fréquentent pas, tandis que nombre de Tchèques, par faiblesse ou par crainte, ou par désir de donner à leurs enfans une éducation qu’ils croient plus avantageuse, les envoient à l’école allemande : on en compte près de 17 000, aujourd’hui encore.

Ce n’est pas tout, et la fondation des écoles tchèques est semée d’obstacles de tout genre. Non seulement l’administration suscite toutes les difficultés imaginables, mais les propriétaires, qui, en pays de frontière ethnographique, sont généralement tous allemands, refusent de vendre leurs terrains pour la construction des bâtimens scolaires. Il faut, pour déjouer leurs efforts, se livrer à des ruses de toute espèce. Au mois de mai dernier, un avocat de Prague a réussi, avec la complicité d’une vieille paysanne dévouée à la cause nationale, à arracher à un propriétaire allemand la vente d’un emplacement destiné à une future école, en lui donnant à entendre qu’il s’agissait, pour l’acquéreur, d’établir une boulangerie dont il montrait les plans.

Un autre désavantage des Tchèques, c’est qu’ils ne peuvent pas, ou n’ont pu jusqu’à présent, suivre hors de Bohême ceux de leurs compatriotes qui s’y établissent, et leur fournir les écoles dont ils auraient besoin pour leurs enfans. À Vienne seulement, la colonie tchèque compte 250 000 personnes ; et jusqu’ici, malgré les efforts réitérés des députés et de la presse, il n’a pas été possible d’ouvrir à Vienne une seule école ni même une église tchèque. Tous les enfans tchèques sont obligés d’aller à l’école allemande, et de recevoir l’enseignement religieux en allemand.

Aussi l’objet de la Matice est-il avant tout défensif. Le Schulverein poursuit une œuvre de conquête ; la Matice fait œuvre de préservation nationale. Son emblème, une femme qui défend des orphelins, est d’une parfaite justesse. Son principe est le droit, proclamé par Komensky au début de ce siècle, qui