Kouyoundjik, qui sont de véritables procès-verbaux, nous montrent bien les files d’archers, de lanciers, d’eunuques ou de frondeurs assyriens cheminant entre des bandes treillagées qui représentent des montagnes, sous des branches écartelées, qui représentent des forêts et sur de grandes chevelures emmêlées de poissons qui représentent des fleuves. Parfois même des carrés de roseaux, droits comme des fers de lances, nous donnent à soupçonner des marais, et l’on peut voir dans un escalier du Louvre des soldats de Sennachérib passant l’eau, étendus sur des outres, préludant ainsi aux expériences faites il y a quelques années par les élèves de l’École de Joinville-le-Pont pour traverser les rivières sur des bidons. Mais le dessin du paysage joue là un rôle indicatif plutôt que descriptif. C’est toujours l’épi de blé que le graveur chaldéen figure auprès d’un taureau, pour donner à entendre que ce taureau est dans un champ. D’autre part, nous apercevons bien sur la colonne Trajane des rocailles figurant les Carpathes facilement enjambées par les Daces qui y cherchent un refuge contre les légions. Mais dans la sculpture grecque, le combat va sans aucune indication de la nature qui l’environne. Supérieur à elle, n’attendant de sa part ni péril ni secours, le guerrier se profile sur un horizon nu et irréel, comme l’Olympe, ne demandant à la terre que de le porter tant qu’il combat et, s’il succombe, de le recouvrir.
Avec un beau spectacle, l’art antique a donné à la vie un exemple de dignité. Pour l’apprécier, il faut noter que le combat d’alors, s’il était plus plastique que les nôtres, était aussi beaucoup plus cruel et presque bestial. Toute blessure qui désarmait l’homme sur le champ de bataille était immédiatement suivie du coup de grâce. Dans le grand bas-relief d’ibsamboul, nous voyons les soldats jeter en tas aux pieds des vainqueurs les mains coupées des ennemis et les scribes égyptiens en dresser l’inventaire avec la plus tranquille exactitude. Dans les bas-reliefs de Kouyoundjik, ce sont les têtes qu’on entasse ainsi et toujours des scribes sont là pour en prendre note. Un triomphe d’Assourbanipal ne va pas sans que, devant le cortège royal, on jette en l’air, comme on fait les roses dans les processions, les têtes des vaincus. Sur la colonne Trajane, on voit un légionnaire romain tenant, entre ses dents serrées, la tête d’un Dace qu’il vient de trancher d’un coup de glaive. Voilà ce que l’art trop naïf ou déjà dépravé de l’antiquité orientale ou de la basse antiquité romaine nous apprend sur la réalité des combats. L’art grec, reproduisant ce combat bestial, l’a ennobli. Il n’a presque jamais montré de telles scènes. Il a fait voir la lutte parfois terrible, non la cruauté ; la victoire, non la vengeance ; il a voilé le plus possible la brutalité