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se montre exigeant. Que vont-ils faire ? Que vont-ils dire ? Ils se sont enfermés jusqu’ici dans un silence qui est peut-être prudent, l’avenir en décidera, mais qui n’est pas de nature à donner une bien vive impulsion au corps électoral.

Lord Salisbury s’est contenté, en pleine Chambre des lords, de prendre la défense de ladite Chambre contre les vives attaques de lord Rosebery. Inutile de dire qu’il a rencontré l’adhésion presque unanime de l’assemblée ; seulement il est probable, et même certain, que cette adhésion ne se produira pas au dehors dans les mêmes proportions. Les projets de réforme de lord Rosebery, tels que les lui avait légués M. Gladstone, ne provoquaient évidemment dans le pays aucun enthousiasme : s’il en avait été autrement, la campagne du parti libéral contre la Chambre haute aurait trouvé plus d’écho. Mais aujourd’hui que les libéraux ne sont plus au gouvernement et que leurs projets effraient moins ceux qu’ils effrayaient, on se demande si, en effet, la composition de la Chambre des lords n’est pas de nature à soulever des critiques légitimes. Elle se compose de plus de cinq cents membres ; sur ce nombre, il y a seulement une trentaine de libéraux. Que cette répartition ne corresponde en rien à celle des opinions dans le pays, comment le contester ? Les conséquences pratiques de cet état de choses ont soulevé les protestations énergiques, passionnées, véhémentes, de M. Gladstone et de lord Rosebery : avaient-ils tout à fait tort ? Lorsque les libéraux sont au ministère, c’est à-dire lorsqu’ils ont la majorité dans la Chambre des communes et dans le pays, leurs projets trouvent à la Chambre des lords une barrière infranchissable : il suffit d’un geste dédaigneux de lord Salisbury pour les condamner. Au contraire, lorsque les conservateurs sont au pouvoir, ils n’ont pas à se mettre en peine de la Chambre haute ; elle leur est acquise d’avance. Dans le premier cas, il y a opposition, et dans l’autre adhésion systématiques. Nous aurions beaucoup de peine, en France, à supporter une situation pareille ; mais on nous a dit assez souvent que les Anglais ne nous ressemblent pas, et ils le prouvent tous les jours davantage. Ils restent très longtemps respectueux de leurs vieilles traditions, sachant d’ailleurs que, s’il y avait dans le pays un mouvement d’opinion vraiment considérable, impérieux, menaçant, en faveur d’une réforme quelconque, la Chambre des lords céderait comme elle l’a toujours fait en pareil cas. Il faut bien reconnaître que, sous le cabinet Rosebery, il n’y a eu aucun mouvement de ce genre. Pour le moment, il serait aussi téméraire que prématuré de vouloir prédire, comme certains journaux essaient de le faire, quel sera le chiffre de la majorité dans la prochaine Chambre. Qu’il y ait une majorité conservatrice, cela est aussi certain que ces choses-là peuvent l’être ; mais qu’elle soit plus ou moins considérable que ne l’était à l’origine celle du dernier cabinet libéral, personne n’en peut répondre. Au reste, nous n’avons aucun intérêt à ce que l’Angle-