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cette manière de procéder : si celle-ci s’en affranchit, il faudra l’en approuver. Toutefois, elle a dépassé la mesure en sens inverse lorsqu’elle a accordé à M. Georges Berry ce qu’elle venait de refuser à M. Cavaignac. M. Georges Berry proposait à son tour une réforme des patentes. La Chambre était en train de disjoindre ; elle a pensé que plus elle disjoindrait, mieux cela vaudrait. En conséquence, elle a disjoint du budget une partie du budget lui-même, et, pour permettre à une discussion intégrale de se produire après les vacances, elle a ajourné les sept articles qui se rapportent à la contribution des patentes. Il aurait fallu traiter M. Berry comme M. Cavaignac, voter les patentes conformément aux propositions de la commission du budget et remettre à d’autres temps l’étude de la réforme. Mais qui sait si la Chambre a bien compris ce qu’elle a voté ?

En Angleterre, lord Salisbury a dissous la Chambre des communes. Le pays est déjà en pleine ébullition électorale. Tout le monde sait que, chez nos voisins, les élections ne se font pas, comme chez nous, le même jour, mais qu’elles sont échelonnées sur un certain nombre de semaines. Ce système nous parait avoir plus d’inconvéniens que d’avantages, et le parti libéral en avait promis la suppression : c’était un des meilleurs articles de son trop vaste programme de réformes. L’Angleterre, cette fois encore et peut-être pour longtemps, restera fidèle à ses vieilles coutumes, malgré les abus qui en résultent et qui permettent à certains électeurs privilégiés de voter successivement dans plusieurs circonscriptions. On assure que déjà Londres est désert ; tout le monde politique l’a quitté. Il est d’ailleurs bien difficile de prévoir dès aujourd’hui ce que sera la bataille électorale et quels mots d’ordre adopteront les partis en présence. Le parti conservateur, malgré tous les symptômes qui devaient lui faire prévoir une mise en demeure assez prochaine de prendre le pouvoir, a paru un peu surpris par la rapidité avec laquelle le cabinet libéral a disparu. Ce dernier s’est montré habile en donnant aussi brusquement sa démission. S’il avait lui-même opéré la dissolution de la Chambre et présidé à des élections nouvelles, son échec final aurait été plus complet. Les manifestations électorales qui se sont produites depuis quelques mois tournaient généralement et décidément à son désavantage ; le pays voulait se débarrasser de lui ; il l’en a débarrassé lui-même et de son plein gré. Dès lors, la situation a été changée. C’est au tour des conservateurs de se défendre, et cela avant qu’ils aient encore rien fait. Ils ne peuvent pas être défendus par leurs actes, et ceux du cabinet libéral, après avoir soulevé tant de critiques, commencent déjà à s’estomper dans le passé. Comme tout le monde sait que les libéraux ne sont pas à la veille de reprendre le pouvoir, on devient moins sévère envers eux, et c’est pour les conservateurs qu’on