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l’acceptait à son tour. — La victoire, a-t-il dit, est maintenant complète sur toute la ligne : elle prouve l’excellence de nos tarifs. — M. Méline ne négligeait qu’un détail, à savoir que la Suisse n’avait accepté notre tarif minimum qu’après nous avoir amenés à l’abaisser. Sans nier la victoire remportée, il faut la ramener à ses proportions exactes. Et M. Méline a si bien senti ce qu’il faisait que, pour sauver sa face, comme diraient nos amis de Pékin, il a proposé à la Chambre, sous forme de motion, de relever de 100 pour 100 tous les chiffres du tarif maximum, afin d’en faire, à l’occasion, un prodigieux tarif de guerre contre les pays qui cesseraient de s’entendre avec nous. Réduire le tarif minimum sur quelques menus articles, mais augmenter de moitié, et sur tous, le tarif maximum, cela fait largement compensation. Le projet de M. Méline a été renvoyé à la Commission des douanes, d’où sans doute il ne sortira plus. Dans le cas contraire, nous aurons quatre tarifs : un tarif improprement appelé maximum et un autre non moins improprement appelé minimum, puis un tarif deux fois plus élevé que le premier, et un tarif conventionnel un peu plus bas que le second. La grammaire en pâtira, mais quel admirable arsenal pour nos négociateurs futurs ! Le Romain qui portait tout uniment la paix ou la guerre dans les plis de sa toge, serait un personnage petitement pourvu à côté de nos ambassadeurs, qui pourront présenter au choix la variété de nos quatre tarifs. Mais tout cela est-il bien sérieux ? La seule chose qui le soit, et dont il faille s’applaudir grandement, est que notre accord est aujourd’hui parfait avec la Suisse. Nous nous sommes fait de part et d’autre beaucoup de mal : oublions-le, et tâchons de nous faire maintenant quelque bien.

Revenons aux contributions directes. La Chambre, avons-nous dit, ne les a pas votées intégralement : elle en a laissé une en plan, celle des patentes, et c’est la première fois sans doute que cela arrive. La discussion a d’ailleurs été très confuse. On s’attendait à ce que M. Godefroy Cavaignac intervînt avec une proposition d’impôt général sur le revenu, mais on ignorait quelle forme prendrait son intervention. Elle en a pris successivement deux assez différentes. D’abord, M. Cavaignac a demandé que la Chambre votât purement et simplement un impôt sur le revenu à partir du 1er janvier 1896. C’était une immense discussion qui menaçait de s’engager. Il n’y avait pas moins de quatre ou cinq contre-projets divers, sans parler de ceux qui n’auraient pas manqué de naître au cours du débat. La question est d’ailleurs si difficile, si délicate, si complexe ; elle touche à tant d’objets ; elle soulève, à côté des objections économiques, tant d’objections politiques et même psychologiques, qu’à la veille des vacances le moment était peu opportun pour en entreprendre l’étude. M. Cavaignac a été le premier à comprendre l’impossibilité d’une discussion immédiate ; il ne l’avait demandée que pour la forme, et pour ouvrir la