l’impôt, son profit augmente avec l’augmentation de la taxe, et s’il y a en France quatre cent mille bouilleurs, on voit tout de suite par quel chiffre il faut multiplier l’exemption. Après s’être assuré un bénéfice aussi appréciable, les bouilleurs se déclarent-ils satisfaits ? Ce serait mal les connaître que de le croire : ils commencent par mettre de côté cet en-cas, puis ils poursuivent leur campagne. Ils savent parfaitement bien que la réforme n’est possible qu’à la condition d’être partielle, successive, provisoirement modérée. On ne peut pas changer en une seule fois et du tout au tout les habitudes fiscales d’un pays : quels que soient les dangers de l’alcool, il a droit à quelques ménagemens. Aussi tous les gouvernemens qui se sont succédé ont-ils proposé de dégrever seulement de certains droits et dans une certaine mesure les boissons dites hygiéniques, et de demander une simple compensation à l’alcool. Que proposent alors les bouilleurs de cru ? De dégrever totalement les boissons hygiéniques. Sur elles, plus de droits d’aucune sorte ; exemption complète, absolue ; on prélèvera en surcroît toute la différence à l’alcool. Comme nous l’avons dit, les litres d’alcool non taxés en profiteront, si par hasard le projet vient à passer. Mais passera-t-il ? Devant une Chambre, oui ; devant deux, c’est plus difficile. La surélévation excessive des droits sur l’alcool, en dehors du trouble qu’elle risque d’apporter dans les habitudes prises, met en jeu des questions très délicates, dont la principale est celle du monopole, soit de l’alcool lui-même, soit de sa rectification. La Chambre, après avoir voté toutes les propositions que nous venons d’énumérer, a voté aussi le monopole de la rectification : c’est toute une administration à créer. Que de problèmes nouveaux ! que de difficultés ! Ceux mêmes qui ne sont pas opposés, et nous sommes du nombre, à une augmentation très sensible du droit sur l’alcool, se demandent s’il est prudent de la porter d’un seul bond à 275 francs l’hectolitre. Il y avait là, pour l’avenir, une réserve que tout le monde connaissait ; seulement on était tacitement d’accord pour ne pas la vider d’un seul coup et pour en garder quelque chose en prévision des jours difficiles. Les jours actuels sont gênés, soit ! D’autres le seront peut-être davantage. L’alcool est, au point de vue du rendement, la dernière matière vraiment élastique de notre budget des recettes : est-il permis d’en épuiser en une fois l’élasticité ? Est-ce habile ? Est-ce sage ? Non, certes. Les bouilleurs de cru le savaient bien lorsqu’ils ont proposé le dégrèvement complet des boissons hygiéniques en rejetant toute la surcharge sur l’alcool. Ils voulaient compliquer la question jusqu’au point où elle devient inextricable. Le gouvernement a prévenu la Chambre de la manœuvre ; mais, il faut bien le dire, le gouvernement n’a pas, dès le début, suffisamment dirigé la discussion ; ses interventions intermittentes ont manqué de continuité et, par conséquent, d’autorité. Aussi la Chambre a-t-elle donné dans tous les pièges qui
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