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On peut en conclure que l’art de la bijouterie était bien avancé. Le troisième de ces pectoraux est d’un dessin un peu grêle, le second semble avoir abusé de la couleur criarde de la cornaline, mais le premier est de tout point parfait.

Ces pectoraux étaient accompagnés de nombreux bijoux, surtout de colliers en perles d’or, en coquilles d’or, ou en pierres précieuses, de formes élégantes et variées, et de nombreux caractères hiéroglyphiques reproduits de manière à former le plus gracieux bijou. Je ne m’y arrêterai pas, car il faudrait allonger outre mesure cette description et se répéter. Je garderai seulement les coquilles en or qui représentent des cyprées, plus connues sous le nom de cauris. Tous ceux qui ont lu le récit des voyages de Stanley, de Livingstone ou des autres explorateurs de l’Afrique centrale — et qui ne les a lus ? — savent que la seule monnaie en usage dans ces heureux pays se compose précisément de ces coquillages univalves, très répandus sur les côtes de l’Afrique et aussi sur nos côtes de l’Océan. La présence de ces coquillages imités en or dans les trésors des princesses de la XIIe dynastie égyptienne conduit naturellement à se demander si l’Égypte avait aussi connu l’usage des cauris pour les échanges. Déjà Mariette avait trouvé de véritables cauris dans une tombe d’Abydos ; mais, après lui, on n’en a plus retrouvé. L’usage des cauris en or pour former des colliers nous montre aussi qu’on en formait avec des cauris naturels ; tout le monde sait que les colliers ont été et sont encore l’un des moyens d’échange les plus usités dans l’Afrique : il est donc plus que probable qu’il en était de même en Égypte, que les cauris y étaient regardés comme chose rare et précieuse, moins précieuse que l’or toutefois, que l’on s’en servait comme de monnaie courante, et l’imitation en or de cette précieuse coquille n’est pas faite pour infirmer cette conclusion.

Les bijoux des deux premiers trésors appartenaient aux princesses Méritet Hathorsat ; ceux des deux derniers étaient la propriété des deux princesses Ita (prononcez Ida) et Ekhnoumit. Ces deux personnes avaient un mobilier funéraire complet, car leurs tombes étaient intactes ; la momie était entourée de nombreux objets qui méritent d’être décrits. A côté de la momie de la princesse Ita étaient des sceptres, des cannes, une massue, un fouet, un arc et un poignard à l’âme de bronze, à poignée d’or massif incrusté de pierreries et à pommeau d’un seul morceau de lapis-lazuli. Le masque de la momie avait les yeux rapportés et enchâssés dans l’argent. La seconde princesse avait autour de son corps les mêmes objets, il n’en faudrait pas conclure que ces princesses eussent l’humeur batailleuse ou qu’on leur