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de Londres. Je ne sais pas au juste quels sont les antécédens scientifiques de M. Pétrie, mais je ne serais pas étonné qu’il eût surtout cultivé les sciences exactes, car il jongle, et en toute assurance, avec les formules algébriques ; les sinus et les cosinus semblent lui être aussi familiers qu’à d’autres la table de Pythagore. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il n’a jamais paru attacher grande importance à la philologie et qu’il s’est dévoué tout entier à l’archéologie. Nous ajouterons qu’il ne semble guère aimer la France et les Français.

M. Pétrie, dans ses fouilles, apporte la conscience ; méticuleuse des savans qui s’adonnent aux sciences exactes. M. Naville, — comme ceux qui l’avaient précédé, y compris Mariette lui-même, — pratique les fouilles selon l’ancienne méthode ; il donne des coups de pioche au « petit bonheur » fait instinctivement ouvrir des tranchées où bon lui semble : aussi ne faut-il point s’étonner que parfois il ait eu des échecs retentissans, même après de grandes dépenses. Avec M. Pétrie, il en a presque toujours été tout autrement. Ce n’est qu’après une étude minutieuse des terrains, un examen attentif des débris dont la surface du sol est couverte, des sondages préliminaires, qu’il entreprend ses fouilles, qu’il creuse sa première tranchée, qu’il dirige ses lignes d’attaque comme autour d’une place assiégée. Il est le premier qui ait fouillé d’après la saine méthode de la science. Aussi le succès a-t-il répondu à la méthode employée. Et non seulement M. Pétrie agit avec cette sûreté scientifique, mais il apporte comme des scrupules de puritain à l’examen et au classement des objets qu’il découvre : tout lui passe par les mains, il a l’œil à tout, ne néglige rien, pas même un tesson de poterie, un fragment de verroterie, de statue, d’amulette, toutes choses qui paraissaient insignifiantes à ses prédécesseurs et qui le paraissent encore à ses émules. Aussi les campagnes les plus infructueuses en apparence ont-elles produit entre ses mains des résultats inespérés. Pensant à juste titre que les grands monumens ne sont pas les seuls qui intéressent l’histoire de la civilisation ; que les objets qui semblent n’offrir aucun intérêt à tel individu peuvent en avoir beaucoup pour tel autre ; que souvent tel fragment rejeté par les ouvriers peut éclairer d’une manière inattendue les problèmes qui semblaient les plus insolubles, sans autrement négliger les monumens de grandes dimensions qui lui tombaient sous la main, M. Pétrie s’est surtout attaché aux petits objets. Malheureusement M. Pétrie est un esprit trop aventureux, concevant des hypothèses qu’il est parfois difficile d’admettre et où l’on ne peut le suivre : chez lui le critique n’est pas à la hauteur de l’archéologue, mais cette