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donc descendus du ciel, ou avez-vous navigué sur la mer de la terre divine ? » demandèrent-ils d’après les inscriptions officielles. Il serait bien curieux de savoir qui servit d’interprète entre ces hommes qui s’ignoraient les uns les autres, et l’on peut soupçonner que les scribes égyptiens exprimèrent seulement les pensées qu’ils auraient eues en semblables circonstances. Des scènes de mœurs très bien saisies et très bien rendues pour l’époque nous font assister à certains détails curieux et nous montrent, entre autres choses, que dès lors une femme bouffie de graisse était regardée comme une beauté. Les échanges faits, les Egyptiens reprirent la route par laquelle ils étaient venus et rentrèrent heureusement dans leur pays, ils transportèrent à Thèbes les parfums, les arbres précieux, les animaux rares, et ils furent accueillis par les applaudissemens de toute la capitale. La reine s’empressa d’acclimater en Égypte les arbres qu’on était allé chercher si loin et elle compta cette heureuse expédition au nombre des plus grands événemens de son règne. Elle eut raison. Si nous connaissons ainsi les détails de cette exploration, c’est que barques, gens, arbres, animaux, tout est représenté au long sur les murs du temple que M. Naville vient de relever, avec beaucoup d’autres événemens qui sont racontés en détail ou auxquels il est seulement fait allusion.

Dans ces tableaux la reine est représentée fort souvent, avec son père ou seule, en habits masculins parce qu’elle remplit des fonctions masculines. L’architecture du temple, ses sculptures. ses peintures, tout proclame que la reine n’avait rien épargné pour rendre son œuvre admirable, que l’architecte employé et dont on a le nom, — il se nommait Senmout, — avait été à la hauteur de sa tâche. Quand je visitai le monument, on n’y pouvait guère apercevoir que les mâts des vaisseaux, quelques animaux, le sommet des colonnes hiéroglyphiques, quelques bribes de scènes. Aujourd’hui il est abordable en toutes ses parties, on peut admirer ses superbes colonnes, ses sculptures exquises et ses peintures au coloris encore éclatant après tant de siècles écoulés. M. Naville peut être fier de l’œuvre à laquelle il a attaché son nom, et la Société de l’Égypt exploration fund est certaine que l’argent de ses souscripteurs n’a pas été mal employé.


III

Aux côtés de M. Naville, ayant travaillé quelque temps pour la même Société, mais s’étant bien vite soustrait au joug d’autrui, est M. Flinders Pétrie, actuellement professeur à l’Université