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lesquels se fait l’échange du calorique. Dans la chute d’eau, la puissance motrice est rigoureusement proportionnelle à la différence de niveau entre le réservoir supérieur et le réservoir inférieur. Dans la chute de calorique, la puissance motrice augmente sans doute avec la différence de température entre le corps chaud et le corps froid ; mais nous ignorons si elle est proportionnelle à cette différence ; nous ignorons, par exemple, si la chute du calorique de 100° à 50° fournit plus ou moins de puissance motrice que la chute de ce même calorique de 50° à 0°. »

Pour résoudre le problème posé par Sadi Carnot, dans le passage que nous venons de citer, il suffit évidemment de déterminer le travail que peut engendrer l’unité de calorique en tombant d’une température quelconque à une température fixée une fois pour toutes, par exemple à 0° ; car, si nous connaissons la puissance motrice développée par une unité de chaleur tombant de 100° à 0° et aussi la puissance motrice développée par une unité de chaleur tombant de 50° à 0°, nous connaîtrons sans peine la puissance motrice engendrée par l’unité de calorique tombant de 100° à 50° : ce sera la différence des deux premières. Nous connaîtrons aussi la puissance motrice développée par deux ou trois unités de chaleur tombant de 100° à 50° : ce sera deux ou trois fois la puissance produite par une unité de chaleur lorsqu’elle éprouve la même chute.

Le problème est ramené à déterminer la puissance motrice que développe une unité de chaleur en tombant d’une température donnée à la température de la glace fondante ; cette puissance est indépendante de la matière qui sert à la développer. On peut donc, pour la calculer, supposer qu’elle est produite par le moyen d’un corps dont les propriétés soient bien connues, d’un gaz par exemple. C’est ainsi que Garnot a pu l’évaluer ; pour y parvenir, il a fait une hypothèse que ne justifiaient pas encore les expériences connues à son époque ; il a supposé qu’un gaz, chauffé sous volume constant, avait une chaleur spécifique indépendante de la température marquée par le thermomètre à air ; il aurait pu, M. J. Bertrand en a fait la remarque, se passer de cette hypothèse, qui s’accordait mal avec ses propres principes.

La puissance ainsi calculée n’est nullement proportionnelle à la température de la source chaude ; elle dépend de cette température d’une manière beaucoup plus compliquée. La puissance motrice que développe une unité de calorique n’est pas proportionnelle à la hauteur de la chute subie par ce calorique ; en tombant d’un nombre donné de degrés, une quantité donnée de chaleur produit d’autant moins de travail que la chute a lieu dans une région plus élevée du thermomètre.