Wingfield », qui jouait la déesse de la Sagesse avec des contorsions d’insensé.
Mais le véritable home du Burlesque, c’était le théâtre du Strand, alors dirigé par Mrs Swanborough. Son fournisseur ordinaire était Henry-James Byron, un beau garçon qui paraissait dans ses propres pièces, mais n’y brillait guère. On disait couramment qu’il « descendait » de lord Byron. Comment s’expliquait ce mystère généalogique ? Je n’ai pu le trouver nulle part. Les gens de théâtre ne sont pas grands clercs ; ils ne tiennent pas compte des dates et sont habitués à traiter lestement l’histoire. Pour eux, lord Byron se perdait dans la nuit des temps et ils trouvaient tout simple que leur camarade, né vers 1830, l’eût vaguement pour ancêtre. Quelle que fût son origine, Byron avait été acteur ; il avait connu les bas-fonds du métier, les engagemens à dix shillings pur semaine et au-dessous. Tout à coup il avait rencontré une veine de succès dans le burlesque ; il en écrivit tant qu’on voulut et un peu au-delà, si bien que la liste de ses œuvres tiendrait plusieurs pages de cette Revue. Il ne se donnait aucune peine pour chercher un sujet. Un sujet, cela gêne. Il faut le suivre, le développer ; on est tenu de commencer et de finir. Au diable les sujets ! Byron ne croyait qu’aux mots. Il les recueillait, pour en inonder ses pièces, dans des carnets qui devaient avoir la dimension des volumes de Larousse. Dans la rue, il poursuivait l’idée comique, la jetait sur une enveloppe de lettre, ou sur sa manchette, ou sur une marge de journal, se servait de son chapeau comme d’un pupitre ou s’appuyait à quelque mur. Un jour il écrivait sur la porte d’une maison : cette porte s’ouvrit brusquement et Byron roula dans le corridor avec une vieille dame qui sortait. Il se releva en riant de cette chute comme il se releva de toutes celles qu’il fit au théâtre. Il était hanté par la manie du calembour qui ne lui laissait plus un instant de paix. Ayant mal réussi comme directeur en province, il fit des calembours sur sa faillite. Il en faisait encore quelques momens avant sa mort. N’était-ce pas une des règles de son métier qu’on ne doit baisser le rideau que sur un mot ?
Byron se faisait un mérite de n’avoir jamais blessé les chastes oreilles. En effet, il a dit dans sa vie un million de stupidités, mais pas une seule obscénité. Pourtant il a contribué à démoraliser le théâtre en déshabillant les femmes sur la scène et en y appelant ces pseudo-actrices qu’en argot de coulisse on nommait des « grues ».
À ce propos, je dois faire remarquer que l’ostracisme social qui pesait encore sur les artistes, tenait bien moins aux mauvaises mœurs des actrices qu’à la vulgarité des acteurs. Elles étaient