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du Nord, prévenue trop tard, ait eu le temps de franchir le canal.

Que si les défenseurs essayaient, avant cette opération décisive, de réunir toutes leurs forces dans la mer du Nord contre l’escadre américaine, celle-ci n’en aurait que plus de facilités à exécuter le plan de son chef, puisque, disposant d’une vitesse supérieure à celle de la flotte allemande, elle pourrait entraîner celle-ci vers le large, tout en refusant de s’engager à fond, et se dérober, la nuit venue.

Suivons maintenant d’un peu plus près le développement de l’opération.

Dans les eaux d’Helgoland, pendant plusieurs jours, s’engagent de fréquentes escarmouches entre les bâtimens légers des deux partis, tandis que, des deux masses principales, l’une reste mouillée, mais sous les feux, à l’est de l’îlot, et que l’autre croise au large, à petite vitesse. Les adversaires s’observent ainsi et gardent le contact. À l’entrée d’une nuit assez noire, par un vent de sud-ouest poussant les eaux du golfe dans le Skager-Rack, et au moment où le flot remonte le long de la côte occidentale du Jutland, le commandant en chef américain lance sa division légère à l’attaque du gros de l’escadre allemande : c’est une fausse attaque, bien entendu, qui n’a d’autre but que de masquer le mouvement qui va s’exécuter. En effet, à la nuit close — mettons entre 8 heures et 9 heures, — les huit grands croiseurs au pavillon étoile mettent le cap au nord et font route pour le cap Skagen à la vitesse de 17 nœuds.

Combien d’heures leur faudra-t-il pour atteindre le Fehmarn-Belt, où ils verront s’ouvrir pour eux l’horizon de l’est ? — Vingt-six, car il y a 450 milles marins ; de sorte que l’escadre américaine, rejointe vers le matin par sa division légère, se trouvera entre 10 heures et 11 heures du soir, le lendemain de son départ d’Helgoland, sur le méridien de la pointe nord de Fehmarn, à 30 milles à l’est de la baie de Kiel.

Que devient, pendant ce temps-là, l’escadre allemande ?

L’attaque repoussée, elle a fait poursuivre la division légère américaine par ses torpilleurs et ses avisos ; mais cette poursuite ne peut guère, dans une nuit venteuse et noire, être prolongée longtemps. Les éclaireurs allemands sont donc revenus à Helgoland, où ils reprennent leur service de surveillance pour le compte de leur escadre. Le jour venu, la disparition complète des Américains commence à éveiller des soupçons. Mais de quel côté s’est dirigé l’ennemi ? Que menace-t-il en ce moment ? L’Ems, la Jade, le Skager-Rack,,.. ou même l’Elbe, Cüxhaven et Brunsbüttel ? — Les éclaireurs sont lancés dans toutes les