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répond actuellement à la réalité — que les forces navales se balancent de telle sorte que la marine allemande soit plus puissante que chacune des marines russe et américaine, mais plus faible, très sensiblement, que ces deux marines réunies. Attribuons à l’escadre d’opérations des États-Unis la composition suivante, qui n’a d’ailleurs rien de fantaisiste :

2 croiseurs cuirassés, New-York et Brooklyn (8 000-9 000 t ; 20 nœuds de vitesse) ;

6 croiseurs protégés, Olympia, Columbia, Minneapolis, Baltimore, Cincinnati, Raleigh, (3 300-7 300 t ; de 20 à 23 nœuds) ;

3 éclaireurs type Vesuvius (750-950 t ; de 21 à 23 nœuds).

6 torpilleurs de 1re classe, ou de haute mer (120-140 t ; de 22 à 25 nœuds) ;

2 grands paquebots rapides, ravi tailleurs de charbon, eau douce et munitions.

Cette force navale, remarquons-le tout de suite, peut donner aisément de 17 à 18 nœuds pendant 30 heures.

Cela posé, voici la situation des belligérans sur l’échiquier stratégique : l’escadre russe est concentrée à Libau, prête à agir contre le littoral ennemi dès qu’elle aura fait sa jonction avec ses alliés. L’escadre américaine vient de déboucher du Pas de Calais dans la mer du Nord. Si elle continue sa route tout droit vers le Skager-Rack pour entrer dans la Baltique, elle s’expose à être arrêtée au Grand-Belt par la flotte ennemie tout entière, la fraction de cette flotte qui est affectée à la mer du Nord ayant franchi le canal maritime aussitôt que ses éclaireurs l’ont avertie de la route suivie par les Américains. Or ceux-ci, nous venons de le dire, ne sont pas assez forts pour lutter seuls contre les Allemands réunis, surtout dans des parages resserrés et difficiles, que ces derniers connaissent fort bien. Il faut donc que le commandant en chef américain use de stratagème, et il adopte le plan suivant : il feindra de vouloir bloquer le Deutscher-bucht, ou de méditer un coup de main contre Helgoland. Cette attitude obligera la fraction de la flotte allemande chargée de la mer du Nord de rester entre la Jade, l’îlot et l’Eider, afin de s’opposer aux entreprises éventuelles des Américains, tandis que la fraction chargée de la mer Baltique croisant soit devant Kiel, soit devant l’île de Rügen, avec ses éclaireurs à l’ouvert du golfe de Danzig, surveillera les Russes.

Cette situation une fois bien acquise, l’escadre des États-Unis, profitant de la nuit et d’un concours de circonstances favorables, se dérobera derrière un rideau de navires légers, et passera rapidement dans la Baltique avant que l’escadre allemande de la mer