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Le 17 juillet 1880, on créa une Commission impériale du canal, qui fut chargée, sous le contrôle du ministère de l’intérieur prussien, de l’exécution des travaux. Le 3 juin 1887, l’empereur Guillaume Ier posait la première pierre de l’écluse de Holtenau, et le 20 juin 1895, à l’expiration du délai de huit années, fixé d’avance, l’empereur Guillaume II inaugurait le « Wilhelm der Grosse Kanal, » en le traversant sur le yacht Hohenzollern, suivi d’une nombreuse escadre de bâtimens légers et de paquebots.


IV

La Revue des Deux Mondes a déjà donné, il y a dix-huit mois, une description technique du canal[1]. Elle a dit quelles difficultés spéciales la nature du sol opposait aux ingénieurs, comment ces difficultés ont été surmontées, ou plutôt comment on se flatte de les avoir surmontées. Nos lecteurs savent aussi, autant que les statistiques permettent d’en juger à l’avance, quelles espérances on peut fonder sur la valeur économique de cette voie de navigation, dont la loi du 16 mars 1880 consent à permettre l’usage « aux navires n’appartenant pas à la marine de guerre impériale. » Nous n’examinerons par conséquent aujourd’hui que le côté politique et militaire de la question, et nous allons rechercher les changemens qui résultent de la mise en jeu du nouvel instrument de guerre dans l’équilibre des forces européennes.

Toutefois, pour asseoir solidement cette étude, il convient de rappeler les caractéristiques essentielles du canal maritime et de fixer les traits principaux de la flotte dont cette ligne de communication intérieure doit favoriser les opérations.

Tracé de Brunsbüttel, dans l’estuaire de l’Elbe, à Holtenau, dans la baie de Kiel, en passant par Rendsburg, où il vient se confondre avec l’ancien canal danois, le canal maritime a une longueur de 98,6 kilomètres, soit 53 milles marins ; une largeur de 64 à 76 mètres au plan d’eau et de 22 à 32 mètres au plafond, les plus grandes largeurs étant réservées aux courbes ; enfin une profondeur de 9m, 30 à 9m, 80. Il n’y a qu’un seu lbief, que limitent les écluses de Brunsbüttel et de Holtenau. Le plan d’eau étant tenu à la cote du niveau normal de la Baltique, il n’y aura lieu de fermer l’écluse d’Holtenau que lorsque des vents persistans, soit du nord-est, soit du sud-ouest, auront fait varier ce niveau d’une manière sensible. L’écluse de Brunsbüttel, en revanche, ne

  1. Voyez dans la Revue du 15 novembre 1893. Le Canal de la Baltique à la mer du Nord, par M. J. Fleury.