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LE CANAL MARITIME ALLEMAND
ET LES FLOTTES MODERNES


I

Au mois de juin 1777, le prince Frédéric de Danemark, — qui fut roi en 1808 et resta toujours le fidèle allié de la France, — donnait le premier coup de pioche à la tranchée du canal qui relie l’Eider à la baie de Kiel, la mer du Nord à la Baltique. Quelques années plus tard, en 1784, ce canal était livré à la circulation des caboteurs, depuis la barque frisonne jusqu’à la lourde galiote de Lübeck ou de Rostock.

À cette époque il y avait quatre cents ans que le problème de la communication directe entre les deux mers avait été posé pour la première fois et résolu d’une manière approchée. Vers 1386, à la suite de leur conflit avec le Danemark pour les péages du Sund, les cinquante-deux villes qui avaient signé la charte de Cologne obtinrent aisément de l’empereur Wenceslas l’autorisation d’unir l’Elbe à la Trave par un canal qui partait de la Delvenau, affluent du premier de ces deux fleuves, pour atteindre et suivre quelque temps la Stecknitz, tributaire du second.

Cette voie navigable, qui subsiste encore et que Lubeck vient de faire approfondir, ne pouvait guère être utilisée que par des chalands de rivière. En cela, du reste, elle satisfaisait pleinement les intérêts de la capitale hanséatique, car c’était dans ses entrepôts qu’affluaient toutes les marchandises déchargées dans les ports de l’Elbe par les vaisseaux de Rotterdam, d’Anvers, de Londres ; c’était par son intermédiaire et sur ses propres navires que ces