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dépendre les sciences mêlées d’éléments métaphysiques de celles qui n’en contenaient pas. De la mathématique et de l’astronomie à la psychologie et à la morale il y a pour lui comme un decrescendo de pureté scientifique. Mathématique et astronomie sont pures de tout mélange métaphysique ; physique, chimie et physiologie le sont moins ; psychologie et morale en sont pénétrées. Ce qu’il faut donc c’est bien mettre, sous la dépendance des sciences qui ne contiennent pas de métaphysique, celles qui en contiennent encore : « L’astronomie est aujourd’hui la seule science qui soit enfin réellement purgée de toute considération théologique ou métaphysique. Tel est, sous le rapport de la méthode, son premier titre à la suprématie. C’est là que les esprits philosophiques peuvent efficacement étudier en quoi consiste véritablement une science. » En allant de l’astronomie à la morale « nous trouverons dans les diverses sciences fondamentales des traces de plus en plus profondes de l’esprit métaphysique ». La guerre à la métaphysique est donc à la fois le but de Comte et sa méthode. A la fois il veut la détruire, et il est guidé dans la constitution de son système par la présence ou l’absence de la métaphysique dans l’objet de ses recherches. Le critérium de la vérité est pour lui l’absence de l’esprit métaphysique et ce critérium lui donne sa méthode même.

Tant y a que la classification vraie des sciences, selon Auguste Comte, est celle que nous venons de résumer. Maintenant quel en est le but ? Le but est de constituer une science de l’homme et une morale qui n’aient pas besoin de métaphysique ; c’est ce que Comte tient pour le plus important de son œuvre ; c’est à quoi il a appliqué son plus grand effort. Cet effort, il sera intéressant quelque jour d’en tracer le progrès, d’en mesurer la grandeur, d’en estimer les résultats.


EMILE FAGUET.