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campé là, de pas fini ; de toutes parts il est entouré d’échafaudages et de pierres d’attente ; ne pas démolir ce qui est fait, construire dessus. Ne rejeter comme de mauvaise qualité quoi que ce soit des matériaux, tout utiliser, mais tout appareiller et tout joindre.

Même dans le suffrage universel inorganique, n’a-t-on pas vu naître, se développer et grandir, comme un organisme spontané ou comme une organisation spontanée, le comité électoral ? Ce comité, ne l’a-t-on pas vu devenir et demeurer à peu près la seule force au milieu du nombre ? Ne l’a-t-on pas vu s’en emparer, l’enrégimenter, le commander ? ce qui est détestable, mais seulement parce que le comité, dans le suffrage universel inorganique, pousse sans règle, sans contrôle, n’est pas investi, s’investit et n’est pas accrédité, s’arroge ; seulement parce qu’il n’est qu’une organisation illégale ou extra-légale, contre la loi ou en marge de la loi. Ce qui est détestable, c’est ce que le comité introduit d’illégal dans le suffrage universel ; ce n’est pas ce qu’il y introduit d’organisé. Au contraire, l’exemple du comité, seule force agissante dans le suffrage universel inorganique, démontre à l’évidence la nécessité d’organiser le suffrage en une organisation légale, pour l’arrachera une organisation illégale.

Le pouvons-nous ? Si nous le voulons. Ni le principe ni les élémens n’en sont difficiles à trouver. Rien ne vivant vraiment que d’organique, afin d’avoir le suffrage universel organisé, faisons de par la loi une place et fixons sa place dans le suffrage à tout ce qui est vivant dans le pays.


VI. — LA THÉORIE DE LA VIE NATIONALE ET LE SUFFRAGE UNIVERSEL ORGANISÉ

Organiser le suffrage universel, fixer dans le suffrage universel sa place à tout ce qui vit dans la nation, c’est sans doute abjurer la doctrine, renoncer à la théorie de la souveraineté nationale. Car, on le répète, le suffrage universel inorganique lui est lié indissolublement : l’un correspond à l’autre et l’un découle de l’autre. Mais, en l’abandonnant, il n’y a pas à la regretter, elle, ni les notions qui lui font cortège : le droit naturel, le contrat social, la volonté générale. — De droits naturels, il n’y en a point, mais seulement des faits naturels ; ou, si l’on veut qu’il y en ait, il n’y a de droits naturels que ceux qui procèdent de faits naturels. Aller, venir, penser, parler sont des faits naturels, par conséquent peuvent être à la rigueur regardés comme des droits naturels. Mais voter n’est nullement un fait naturel, par conséquent ne peut être un droit naturel. Du contrat social on serait