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— Il ne pleure plus.

— Maintenant, rentre le berceau ; la soirée est humide. Nous t’aiderons, Liberata.

— Pauvre créature ! Dort-il ?

— On dirait un petit mort. Il ne bouge plus.

— Rentre donc le berceau. Nous entends-tu, Liberata ?

— Elle est folle.

— Où est la lampe ? Joseph va revenir. Tu n’as pas de lampe ? Joseph va revenir…

— Elle est folle. Elle ne parle plus.

— Nous nous en allons. Sainte nuit !

— Pauvre chair tourmentée ! Dort-il ?

— Il dort, il dort… Il ne souffre plus.

— Seigneur Jésus, sauve-le !

— Protège-nous, Seigneur !

— Adieu, adieu ! Sainte nuit !

— Sainte nuit !

— Sainte nuit !


III

Le chien continuait d’aboyer dans l’olivaie, tandis que George et Hippolyte revenaient par le sentier vers la maison de Candie. Lorsque l’animal reconnut les hôtes, il se tut et vint à leur rencontre en gambadant.

— Tiens, c’est Giardino ! s’écria Hippolyte ; et elle se baissa pour caresser la pauvre bête, qu’elle avait déjà prise en amitié. Il nous appelait. L’heure avance…

La lune montait dans le silence du ciel, lente, précédée par une onde lumineuse qui baignait graduellement l’azur. Toutes les voix de la campagne s’apaisaient sous cette clarté pacifique. Et la cessation imprévue du bruit semblait extraordinaire et presque surnaturelle à George, qu’une épouvante inexplicable tenait en éveil.

— Arrête un peu, dit-il en retenant Hippolyte.

Et il tendit l’oreille.

— Qu’écoutes-tu ?

— Il me semblait…

Et ils regardèrent tous deux en arrière, du côté de l’aire, que les oliviers masquaient à la vue. Mais on n’entendait que le rythme égal et berceur de la mer dans la courbe du petit golfe. Sur leurs têtes un grillon raya l’air de son vol, avec un grincement pareil à celui du diamant sur une lame de verre.