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il a inauguré, pour les Salons, un genre d’attraction et d’intérêt qu’on pourrait utilement renouveler. Quelques fragmens, d’un style simple et personnel, d’un sentiment très ému, mais isolés et sans lien, exposés par M. Bartolomé, les années précédentes, n’avaient pu que faire pressentir la valeur de ce jeune artiste. L’ensemble de son monument montre, en lui, non seulement un praticien habile et un sculpteur délicat, mais un ordonnateur sérieux et consciencieux, capable de conduire une œuvre de longue haleine avec un esprit de suite qui devient de plus en plus rare dans notre temps. Sa composition, qui comprend une vingtaine de figures nues, se dispose sur la façade, plane et lisse, d’une construction très simple, sans ornemens et sans moulures, avec une heureuse clarté. Sur cette façade, divisée presque à moitié de sa hauteur par la saillie du soubassement, s’ouvre, dans sa partie supérieure, au milieu, une porte haute et étroite qui mène au séjour des morts ; dans la partie inférieure, au-dessous, s’ouvre une longue niche montrant l’intérieur du tombeau.

La scène la plus importante se déroule dans le haut, où l’on voit, entrant dans le sépulcre, vus de dos, se détachant en clair sur l’ombre mystérieuse, un jeune homme et une jeune femme, côtoyant chacun la paroi opposée ; la femme pose sa main encourageante sur l’épaule de son compagnon, et ce geste, traversant la nuit, en même temps que l’allure tendrement résignée de son corps, donnent à cette entrée du couple dans l’éternité une solennité douce du plus touchant effet. C’est dans ces deux figures, dont on ne voit pas les visages, que les qualités expressives de M. Bartholomé se montrent, peut-être, avec le plus d’originalité ; mais on les retrouve dans les deux groupes de vivans, appelés aussi par la Mort, qui se pressent des deux côtés de la porte, et soutenus, ici, par une sûreté de science et une habileté d’ordonnance qui rattachent M. Bartholomé aux meilleures traditions classiques. C’est, en effet, à la fois, avec une recherche simple et profonde du sentiment moral, avec un respect attentif des attitudes et des gestes correspondais, avec un remarquable sentiment de la beauté et du caractère plastiques que l’artiste a groupé, de chaque côté, agenouillés, prosternés, assis, debout, suivant la nature de leur désespoir, de leur résignation ou de leur espérance, tous les êtres humains un moment arrêtés au seuil de l’Eternité. Femmes en pleurs ou en prières, couples d’époux résolus ou désespérés, vieillard inquiet ou insouciant enfant, ces figures, disposées, de profil, avec une variété savante du rythme linéaire et du jeu des ombres, en des attitudes appropriées, sont presque toutes aussi remarquables par la souplesse ferme de l’exécution que par la