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Disons-nous bien ? D’attitude, cela est vrai, mais non de cœur ni d’intention ; car, sans un geste, sans une violence de lignes, l’étonnant sculpteur a animé, d’un bout à l’autre, et le corps et les vêtemens, de cette passion intérieure, de cette conviction belliqueuse et religieuse, qui rayonnent, si vivement, sur le visage. Si M. F aiguière n’avait pas appliqué sa pensée à la réalisation d’une si haute et noble figure, nous aurions probablement une Ariane ou une Junon de plus. Faut-il nous en plaindre ? Assurément non. Le modèle de La Rochejaquelein qui, dans sa forme définitive, nous réservera sans doute encore quelques surprises, ajoute déjà à la gloire du sculpteur un rayon plus pur et plus vif, nous ne voulons pas dire inattendu ; nous retrouvons là, en effet, avec plus d’ampleur et de liberté, ce charme d’une inspiration tendre et forte qu’on salua, dès 1868, dans le Tarcinus martyr, et que vingt-sept ans d’une fécondité ininterrompue n’ont pas épuisée chez l’artiste toujours grandissant.

S’apitoyer mélancoliquement sur la fâcheuse éducation de nos sculpteurs que leurs maîtres condamnent ou qui se condamnent eux-mêmes à étudier l’Antiquité et la Renaissance, les plaindre d’être à la fois capables de comprendre les plus belles élégances de la plastique et les plus nobles simplicités de l’expression, ne voir dans cette ouverture et cette étendue d’intelligence qu’une cause « l’impuissance ou d’affaiblissement, n’est-ce pas, en vérité, le résultat d’une bien singulière erreur, et qui semble inexplicable lorsqu’on regarde les Jeanne d’Arc de MM. Paul Dubois et Mercié ? Pour avoir complété à Florence et à Rome cette saine éducation des yeux qu’ils avaient commencée et qu’ils devaient continuer dans leur pays, pour avoir débuté, avec un éclat qu’on ne saurait oublier, l’un par cet incomparable Narcisse, si délicieusement animé du souffle grec, qui est devenu, pour toutes les écoles du monde, un modèle classique, l’autre, par ce jeune David, d’une si triomphante allure que toute l’école s’en trouva comme rajeunie, en sont-ils devenus tous deux moins capables d’exprimer en bon art français les douleurs ou les espérances des âmes françaises ? Entre leurs mains savantes et consciencieuses, Jehanne la Pucelle, l’héroïne nationale, a-t-elle repris une figure moins simple et moins conforme aux traditions historiques qu’elle n’eût fait chez des sculpteurs moins expérimentés ?

La statue équestre, en bronze, de M. Paul Dubois, est-elle bien celle-là dont le modèle en plâtre fut exposé en 1889 ? On a peine à le croire. En effet, tout en conservant à peu près l’attitude et le costume de la figure, le sculpteur a tellement