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éloigne par son extrême densité, par son état d’agitation presque constante, et par les particules salines dont elle est imprégnée. Au bord de la mer la pression est au maximum, tandis qu’elle est de plus en plus faible, comme nous l’avons vu, à mesure qu’on s’élève dans les montagnes. Alors que la colonne barométrique oscille autour de 760 millimètres au bord de la mer, elle varie de 710 à 550 dans les stations de la Suisse et de la Haute Engadine. Une différence de plus de 200 millimètres n’est pas indifférente pour la santé. Tandis que les gens robustes respirent à pleins poumons l’air sain et vivifiant des plages maritimes, les poitrines suspectes ne le supportent pas avec la même facilité. Il leur est particulièrement nuisible sur les bords de la Manche et de la mer du Nord, à cause de son état d’agitation continuelle, des variations brusques et fréquentes de température auxquelles il est su jet dans ces parages.

Ce séjour ne convient pas davantage aux femmes très impressionnables. L’action du vent, le mouvement de la mer, l’agitation de la plage où séjournent les baigneurs, tout cela détermine chez elles une excitation qui leur enlève le sommeil, leur donne souvent un mouvement de lièvre pendant la nuit et quelquefois des palpitations. En revanche, il réussit a merveille chez les enfans pâles et lymphatiques des villes. Indépendamment de l’action Ionique de l’air marin, ils trouvent, au bord de la mer des distractions sans nombre. Ils jouent avec le sable, ils cherchent des coquillages dans le creux des rochers ; les jeunes gens vont à la pêche, font des promenades en canot ; les personnes plus âgées jouissent du mouvement qui se fait autour d’elles, et tout ce monde a sous les yeux le spectacle imposant de la haute mer, dont l’aspect mobile et changeant impressionne les natures les plus vulgaires.

L’air vif de la mer, comme celui des montagnes, excite et entretient l’appétit : il le fait renaître chez ceux qui depuis longtemps l’avaient perdu, et les gastralgiques eux-mêmes voient diminuer leurs malaises. La cure d’air marin convient également aux hommes qui, sans être malades, sont fatigués par des travaux trop assidus, à ceux qui sont en proie aux soucis ou au chagrin. La voix de la mer, son mouvement lent et monotone, l’aspect de ses grands horizons, loin de les exciter comme les femmes neurasthéniques, procure à ces natures viriles mais tourmentées, un calme profond et un soulagement réel. Tous les marins connaissent cette influence sédative.

Enfin il est une catégorie très intéressante de jeunes sujets pour lesquels le séjour des plages et les bains de mer sont une véritable panacée : ce sont les enfans scrofuleux, en faveur