Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 130.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

docteur Amireux, en France, donna le même conseil, et bientôt la Suisse devint à la mode. Les stations de Saint-Moritz, de Davos, de Dorfli, de Wiesen, se fondèrent au centre du plateau des Grisons, des hôtels somptueux s’y ouvrirent pour les touristes. La Haute Engadine elle-même attira les voyageurs, et aujourd’hui sept belles routes y conduisent. Les personnes qui vont chercher la santé ou des distractions dans les hautes régions établissent leur quartier général à la Maloja, à Pontresina ou à Samaden. Elles rayonnent de là vers les cimes environnantes : elles gravissent les pentes des glaciers du Roseg et de la Morteratsch ; elles montent à l’hospice de la Bernina. De ces hauts sommets la vue est splendide. Elle s’étend sur trente kilomètres de glaciers, de forêts, de lacs et de prairies. Ces promenades dans l’air vif des grandes altitudes, ces ascensions fatigantes, cet exercice soutenu, conviennent à merveille aux santés vigoureuses ; mais les candidats à la phtisie qu’on expédie dans les montagnes ne sauraient s’accommoder d’un pareil entraînement. Ceux-là ne vont pas dans la Haute Engadine ; ils s’arrêtent à Davos, à Saint-Moritz-les-Bains, à Dorfli, où l’altitude est moins élevée et le climat plus doux ; ils se promènent en bateau sur le lac de Saint-Moritz, et, quand il fait mauvais, quand la tempête mugit, ils se réunissent dans les grands salons bien chauffés des hôtels et regardent l’orage se déchaîner au dehors.

Malgré les précautions et les soins dont les malades sont entourés dans ces établissemens, il en est mort un assez grand nombre pour faire perdre leur vogue aux stations de l’Engadine. Les gens à santé délicate n’ont pas abandonné la Suisse pour cela ; mais ils ne remontent plus aussi haut. Ils s’arrêtent à Montroux, qui doit la douceur de son climat à sa situation au fond du lac de Genève et aux montagnes à pic qui l’abritent contre les vents du nord et de l’est. D’autres vont faire une cure de petit-lait dans l’Appenzell, à Heiden, à Gonten ou à Weisbad. Enfin les phtisiques sont dirigés de préférence aujourd’hui vers les sanatoria qu’on a créés pour eux depuis quelques années, et dans lesquels ils sont soumis à une véritable cure par l’air froid. Il existe déjà six de ces établissemens : Falkenstein, dans le Taunus ; Aussée, en Styrie ; Reiboldsgrün, en Saxe ; Honnef, sur les bords du Rhin ; le Canigou, dans les Pyrénées-Orientales, et enfin Leysin, dans les Alpes vaudoises, à 1 450 mètres d’altitude. C’est le seul qui soit dans les montagnes.

En laissant de côté les malades aux déplacemens desquels le terme de villégiature ne saurait s’appliquer, le séjour des altitudes convient aux touristes agiles et bien portans qui ne craignent ni le froid ni la fatigue. A la condition de s’entourer de quelques