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considérables et peu connues encore, on atteint, en remontant le cours du Syr-Daria, le pays qui formait le noyau central de l’ancien royaume de Kokan, le Ferganah.

On nomme ainsi une province, la plus riche, la plus fertile et la plus riante peut-être de toute l’Asie, qui est constituée par le bassin supérieur du Syr-Daria. C’est une sorte d’immense cirque où viennent se réunir les affluens de ce fleuve. Ce cirque, entouré d’une ceinture continue de très hautes montagnes, dont les points culminans atteignent 5 000 et 7 000 mètres, mesure 400 kilomètres dans le sens de son plus grand diamètre, de l’est à l’ouest, et 300 kilomètres du nord au sud. La ceinture montagneuse ne présente qu’une ouverture étroite, par laquelle s’échappe le Syr-Daria, et où se trouve la ville de Khodjent. Trois millions d’habitans vivent dans ce pays fermé, dont la fertilité est admirable et le climat excellent. De grandes villes commerçantes, Kokan, Marghelan, Andidjan, Namangan, Tchoust, encore florissantes aujourd’hui, et d’autres aujourd’hui déchues, mais dont les monumens attestent une importance considérable, comme Kassan par exemple, s’y sont développées.

Nous ne raconterons pas le voyage à travers cette région qui vaut pourtant la peine d’être visitée et décrite en détail. Nous ne dirons pas la richesse de ses plaines, ni la pittoresque variété de ses montagnes colossales et encore à peine connues, car elles n’ont été encore qu’entrevues, et seulement par quelques topographes. Nous ne dépeindrons pas les charmes verdoyans de l’ancienne capitale, Kokan, que les historiens persans appellent Kokan-la-Charmante, et qui est bien en effet la plus charmante des villes de l’Asie centrale. Nous ne rechercherons pas, pour le moment, si ce pays délicieux, dont la vague réputation a pu être apportée jusqu’en Occident, il y a des siècles, par les marchands obscurs et anonymes qui, sur les traces de Marco Polo, y faisaient par intervalles un trafic indirect, n’a pas été le prototype du fameux pays de Cocagne, dont nul aujourd’hui ne soupçonne l’emplacement, mais où chacun sait que la vie est si bonne et si facile. Quelque peu connu que soit un pays pour les lecteurs, quelque connu qu’il mérite d’être, quelques merveilles qu’il renferme, il est pourtant impossible, dans le cadre d’une simple esquisse et dans les limites d’un article très bref, d’en décrire toutes les parties et de traiter toutes les questions intéressantes qui s’y rattachent.

Le Ferganah n’est pas seulement peuplé de Sartes commerçans ou cultivateurs. Sa partie orientale est encore habitée actuellement par les Kiptchaks, race guerrière et nomade qui, à diverses époques, a joué un grand rôle dans l’histoire de l’Orient, et qui y a fondé plusieurs empires. Aujourd’hui les représentans de cette