tarantasse est la règle habituelle. Vu l’immensité des distances, on est obligé d’adopter ce véhicule, dont l’emploi suffit absolument à gâter le voyage et à lui ôter tout agrément comme tout intérêt. Si l’on voulait l’éviter, il faudrait demeurer en route pendant des mois et même des années ; car le territoire possédé aujourd’hui par l’empire russe, surtout en Asie, est véritablement immense. Pour donner une idée de ces distances, à l’aide de quelques chiffres, nous dirons que pour aller d’Orenbourg, frontière d’Europe, à Tachkent, qui n’est que l’entrée du Turkestan, la distance à parcourir à travers la steppe est de 2 200 kilomètres. Si l’on y va par Omsk, comme on le fait parfois, la distance est double. Quant à la traversée de la Sibérie, de l’Oural au Pacifique, elle est de 8 000 verstes, soit près de 9 000 kilomètres. On voit combien, dans de pareilles conditions, il faudrait de temps pour traverser le pays en touriste sans avoir recours aux véhicules officiels. On est obligé de subir les conditions de la poste russe. Elles sont féroces. Il faut cependant rendre à celle administration justice à deux points de vue : les chevaux sont excellens, ils vont comme le vent, et le prix est extrêmement faible. Quand on est muni des papiers réglementaires, on ne paie que cinq centimes par cheval et par verste, ce que personne ne saurait trouver excessif.
Le tarantasse est un instrument de torture pour les personnes et de destruction pour les bagages, que les Russes s’obstinent, je n’ai jamais pu savoir pourquoi, à considérer comme un instrument de transport. Il se compose d’une sorte de caisse de bois très allongée, trop courte cependant pour que l’on puisse s’y étendre, posée sans l’intermédiaire d’aucun ressort sur deux essieux de bois munis de quatre roues très basses. Trois chevaux, parfois deux, y sont attelés, suivant le système de la troïka, système fréquent en Russie et qui présente de nombreux avantages. Le cheval du milieu, qui trotte et qui, généralement, est le seul à peu près dressé, est assujetti entre deux brancards, attachés directement à l’essieu antérieur sur lequel ils sont articulés ; un cerceau de bois, qui relie les extrémités de ces deux brancards et à l’intérieur duquel s’entre-croisent deux courroies, encadre sa tête et la maintient dans une position immuable. Les deux autres chevaux, qui vont constamment au galop, sont attachés, du côté interne, au collier du cheval du milieu par une simple longe, et, du côté externe, ils sont attelés par une corde servant de trait, qui vient se fixer tout simplement au moyeu de la roue, c’est-à-dire à la fusée de l’essieu, qui fait saillie en dehors. Ce mode d’attelage présente d’incontestables avantages dans les conditions où on l’emploie. A la vérité, il produit une très grande déperdition de force et