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De cette théorie, il résulte également qu’à une température donnée, la quantité de calorique libre contenue dans une masse de gaz est proportionnelle au volume qu’occupe cette masse de gaz. Cette proposition, à laquelle Laplace était parvenu dès 1803, Desormes et Clément la déduisaient aussi de leurs principes ; mais ces principes, Laplace les repousse. Pour Desormes et Clément, « le calorique semble appartenir à l’espace. » Le calorique contenu dans un gaz est précisément égal en quantité à celui qui remplirait, à la même température, un espace de même volume. L’expérience faiie par Gay-Lussac, en 1807, semble donner une démonstration saisissante de cette manière de voir. Selon Laplace, au contraire, le fluide calorifique répandu dans un espace vide de toute matière pondérable est « très rare. » C’est « une partie insensible de la chaleur contenue dans le corps, comme on l’a reconnu d’ailleurs par les expériences que l’on a faites pour condenser cette chaleur. » Si l’on accepte, sur ce point, les idées de Laplace, comment expliquera-t-on l’expérience de Gay-Lussac, qui semblait se concilier si aisément avec les hypothèses de Desormes et Clément ? L’air qui double de volume durant cette expérience doit renfermer à la fin, d’après la théorie même de Laplace, deux fois plus de calorique qu’il n’en renfermait au commencement. L’expérience montre qu’il n’a emprunté aucune quantité de chaleur aux corps qui l’environnent. Si donc l’excès de calorique qu’il a acquis en se détendant ne se trouvait pas au préalable dans l’espace vide qu’il est venu remplir, où a-t-il pu prendre cet excès ? L’auteur de la Mécanique céleste, qui ne cite pas l’expérience de Gay-Lussac, faite cependant sous ses yeux, demeure muet à ce sujet.

Bien que le fluide calorifique qui remplit un espace vide de matière pondérable soit extrêmement rare, sa densité n’est cependant pas nulle. Cette densité est d’autant plus grande que l’espace est plus chaud. Il est naturel de choisir cette densité — ou un nombre qui lui soit proportionnel — pour marquer la température absolue.

La théorie de Laplace démontre alors que la pression acquise, dans chaque circonstance, par une masse d’air dont le volume est maintenu constant est proportionnelle à la température absolue à laquelle elle est portée dans cette circonstance. Le rapport des températures absolues de deux enceintes est égal au rapport des pressions acquises, dans ces deux enceintes, par le thermomètre d’air à volume constant. La température absolue est déterminée par Laplace selon la règle proposée en 1702 par Amontons : « Le thermomètre d’air devient ainsi le vrai thermomètre qui doit servir de modèle aux autres, du moins dans les limites de pression et