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qu’elle occuperait dans la glace fondante ; cette fraction est évaluée par Gay-Lussac à 1/266,66[1]. Si les gaz gardaient des propriétés invariables, tandis qu’on les refroidit, il suffirait de descendre de 266°,66 au-dessous de la température de la glace fondante pour réduire leur volume à rien. Ce point marque donc l’extrême limite du refroidissement que l’on pourrait imposer à un gaz, le zéro absolu de température. La température absolue de la glace fondante, égale à 267°,50 selon la première méthode, serait de 266°,66 d’après la seconde. « Nous avouons, déclarent Desormes et Clément, qu’une concordance si singulière est pour nous une puissante raison de croire à la précision de notre conclusion. »

On ne peut mieux apprécier l’importance des idées nouvelles introduites dans la théorie de la chaleur par Desormes et Clément qu’en souscrivant au jugement qu’ils portaient, en 1819, sur leur propre travail :

« La solution de la question que nous signalons à l’attention des physiciens est, peut-être, aussi importante pour l’intelligence des phénomènes de la chaleur que le fut la réponse de Galilée aux pompiers de Florence, pour la théorie des phénomènes atmosphériques. »


VII


Il est malaisé de déterminer la part d’influence que les conceptions de Desormes et de Clément ont pu avoir sur le développement des idées de Laplace. D’une part, la note que Laplace insérait en 1803, dans la Statique chimique de Berthollet, nous le montre, dès cette époque, maître des principes sur lesquels repose sa théorie de la chaleur. D’autre part, le développement complet de cette théorie, tel qu’il se déroule dans le tome V de la Mécanique céleste, publié en 1823, offre des analogies trop nombreuses et trop profondes avec les vues de Desormes et Clément pour qu’il soit possible d’y méconnaître l’influence de ces dernières ; d’autant que Laplace cite les recherches de ces deux expérimentateurs et qu’il fait usage des déterminations numériques par eux obtenues.

Laplace distingue dans tout corps, en premier lieu, les molécules matérielles ; en second lieu, le calorique latent, combiné aux molécules matérielles ; en troisième lieu, le calorique libre. Les molécules matérielles s’attirent les unes les autres, comme les astres dans le ciel, mais suivant une loi différente ; les molécules matérielles attirent aussi les particules du calorique libre et

  1. D’après les recherches de Regnault, elle serait égale à 1/273 environ.