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un progrès. Par suite de ses rapports directs avec la clientèle, et aussi en raison du grand nombre de ses articles, elle n’aura pas à redouter une baisse concertée de la part des gros spéculateurs qui dominent exclusivement cette marchandise, mais qui ne pourraient vendre longtemps, sans se ruiner, au-dessous du prix de revient.

Elle est déjà fort bien placée pour utiliser les déchets de sa casserie : et d’abord dans les sucres pulvérisés que des moulins spéciaux réduisent, suivant les goûts de l’acheteur, à un état plus ou moins grand de finesse, depuis la « semoule » jusqu’à la « glace », ou poudre impalpable. Elle peut aussi les employer dans la confiserie et la chocolaterie, puisque le chocolat se compose, à doses presque égales, de sucre et de cacao. L’usine ici fabrique 6 à 7 000 kilos par jour de chocolats variés ; sa vente annuelle a passé, depuis vingt ans, de 2 à 5 millions de francs. Le cacao, dont les principaux marchés sont aux Antilles, sur la « côte ferme » de l’Amérique centrale, au Brésil, à Java et à Ceylan, est uniformément frappé, à l’introduction en France, d’un droit de 104 francs par quintal ; mais au lieu d’origine, son prix varie, d’une année à l’autre, d’un quart ou d’un tiers, suivant la récolte ; dans la même année, suivant la qualité, il va de 55 à 200 francs les cinquante kilos. Entre le planteur récoltant et le consommateur il n’est pas d’autre intermédiaire que le courtier, chargé des achats en bourse moyennant une légère commission. Le séjour des greniers, qui aigrit parfois les hommes, quoi qu’en ait dit Béranger, améliore les cacaos. On les y laisse vieillir. Au moment d’être utilisés, les grains sont soumis à des triages successifs à la main et à la machine, torréfiés ensuite, — non comme les grains de café qui ne font qu’un court séjour en de petits moulins, — mais dans d’énormes cylindres où ils passent cinq à six heures. La cuisson leur enlève un cinquième de leur poids. On les concasse alors ; certaines parties du cacao, appelées « germes », sont tellement dures qu’il les faut traiter à part entre des meules exceptionnellement résistantes. Après la mouture s’opère, dans un malaxeur, le mélange avec la vanille et le sucre, dont les pelletées blanches disparaissent en quelques tours de roue sous la brune coloration du cacao. Les deux élémens commencent à se pénétrer ; leur fusion intime s’opère sous la broyeuse, qui les brasse, les foule, les pétrit, jusqu’à ce qu’ils soient confondus en une même pâte. Cette pâte, après un traitement aussi violent, obtient quelques heures de repos. Jetés pêle-mêle sur de longues tables, en montagnes informes, ces amas de chocolat séjournent dans une étuve qu’un ouvrier aux trois quarts nu, ruisselant de sueur des pieds à la tête, maintient à la température de 60 degrés minimum. Lorsque la matière s’est assez reprise,