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la saveur de ceux qu’ils ont pour modèles. C’est par un procédé analogue que, dans les textiles, on est parvenu, d’abord en surchargeant les filés de soie à la teinture afin d’en accroître le volume, puis, plus habilement, en employant le coton au tissage de la plupart des soieries, à démocratiser ces étoffes pour la plus grande satisfaction de beaucoup de gens qui, précédemment, n’y pouvaient aspirer. Il existe dans certaines fabriques spéciales ce que l’on nomme des « confitures de fantaisie » à base de lichen ou « colle du japon », mélangée à une dissolution de glucose. Elles sont teintées de nuances différentes et aromatisées avec des essences artificielles ou des conserves de fruits, de façon à imiter les parfums de la groseille, de la prune ou de la fraise ; le potiron y tient la place de l’abricot. On croira sans peine qu’il ne le vaut pas ; mais aussi le prix est inférieur des deux tiers à celui des confitures exclusivement composées de sucre et de fruits frais. Ces dernières ne se vendent jamais moins de 1 fr. 20 le kilogramme ; les autres sont cédées pour 0 fr. 40, et le débit en est si considérable que le raisiné artificiel se chiffre à lui seul par une expédition annuelle de 600 000 kilogrammes, dont la plus grosse part destinée à la Bretagne.

La clientèle de tous ces similaires inférieurs est en général trop peu à l’aise pour payer le prix au-dessous duquel ne sauraient descendre les denrées d’une qualité authentique. S’il lui plaît, à défaut de réalité, de se contenter d’une ombre, n’y aurait-il pas cruauté à la tirer de l’erreur qui lui est chère ? Il entre, ne l’oublions pas, dans nos joies et dans nos douleurs, une grande part d’imagination.


II

Un moyen sur et philanthropique d’améliorer les consommations généralement usitées consisterait à les rendre moins onéreuses en supprimant tout ou partie des impôts indirects dont elles sont accablées. On peut considérer qu’à Paris et dans les grands centres, où existent de gros octrois, les taxes combinées de l’Etat et de la ville représentent en moyenne le tiers de la valeur vénale des produits alimentaires. Sur une dépense de 100 francs faite par la population parisienne pour sa nourriture (à l’exception du pain et de la viande), il y a 30 francs à peu près pour le fisc. Cette proportion est bien plus forte sur le sucre, le café, le chocolat, le vin et les spiritueux. Sur le sel elle est de 80 pour 100. Le kilogramme de sel gris se vend dans les salines du Midi ou de l’Ouest moins de 2 centimes ; mais l’Etat le frappe d’un droit de 10 centimes et la ville de Paris d’un octroi de 6 centimes. Ajoutez