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LE
MÉCANISME DE LA VIE MODERNE

V.[1]
LES MAGASINS D’ALIMENTATION

La nourriture est la grosse dépense des petits budgets. Elle absorbe environ les trois cinquièmes des ressources dans les foyers où l’on a pour vivre moins de 2 500 francs par an, c’est-à-dire dans quatre familles françaises sur cinq.

Plus est faible le total des recettes du ménage ouvrier, comparées à ses charges, au nombre des estomacs à satisfaire chaque jour, plus on voit enfler la part proportionnelle du chapitre comestible. Ce chapitre au contraire, à mesure que l’on s’élève parmi les couches aisées ou riches de la population, tient de moins en moins de place, quoique l’alimentation devienne alors de plus en plus variée ou luxueuse. Au lieu d’employer à se nourrir 60 pour 100 de son salaire ou de son revenu, comme la masse des travailleurs et des petits propriétaires, le bourgeois qui possède 10 000 livres de rente ne consacre à cet objet que 35 à 40 pour 100 de sa dépense. Quant à l’individu favorisé qui jouit de 20 000, de 30 000 ou de 100 000 francs de revenu, sa table, y compris celle de ses domestiques, représente à peine une somme égale à 25,20 et même 15 pour 100 de l’ensemble des frais. « Manger sa fortune », suivant l’expression admise, n’est donc, pour

  1. Voir la Revue des 1er juillet et 1er octobre 1894, 1er janvier et 15 mars 1895.