Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/808

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La montrerons-nous encore, cette avant-garde (repliée au moment où le gros de l’armée entre en ligne), pansant ses blessures pendant le combat, puis, lorsque l’ennemi semblait sur le point de vaincre, entourant brusquement ses principales unités, les accablant sous un déluge de projectiles, et donnant ainsi à nos cuirassés le temps de recueillir leurs forces pour une dernière charge, celle qui décidera du succès ?

La tentation est grande, et nous y céderions d’autant plus volontiers que cette description idéale trouvera probablement sa réalisation dans les luttes que l’avenir réserve à notre propre flotte, où la valeur tactique et la rapidité des éclaireurs rachète une certaine insuffisance des grandes unités de combat.

Mais cela nous conduirait trop loin. Pas plus que nous ne voulions tout à l’heure faire la monographie du croiseur du large, nous ne pouvons maintenant entreprendre une étude complète des éclaireurs d’escadre. Aussi bien ce que nous venons d’en dire suffit à confirmer l’impression que nous avait donnée la recherche des qualités nécessaires au bâtiment chargé d’observer la base d’opérations de l’ennemi : l’éclaireur n’est pas seulement un navire de guerre, comme le croiseur du large ; il est, par essence, un navire de combat, chez qui les facultés stratégiques et les facultés tactiques se balanceront exactement.

Ce juste équilibre doit trouver son expression numérique dans l’atténuation des chiffres qui représentaient tout à l’heure, dans le devis du croiseur du large, le « pour cent » de la coque, de l’appareil moteur, du combustible, de l’équipage, eau et vivres, tandis que celui de l’armement offensif, de l’armement défensif, de la mâture (mâture militaire), des agrès, des embarcations s’élèvera d’une façon sensible.

Ainsi pour l’éclaireur d’escadre,


du déplacement soit
La coque absorbera 33 p. 100 2 000 t
L’appareil moteur (et auxiliaires), 19 p. 100 1140 t
Le combustible 19 p. 100 1140 t
L’armement offensif 14 p. 100 840 t
L’armement défensif 7 p. 100 420 t
L’équipage, l’eau, les vivres 5 p. 100 300 t
La mâture, les agrès, les canots 3 p. 100 180 t
TOTAUX 100 p. 100 6 020 t

Notre thèse se trouve donc justifiée, et toute assimilation doit être rejetée entre le croiseur du large et l’éclaireur.

Pourtant, un doute subsiste peut-être sur un certain point dans l’esprit de nos lecteurs : Nous demeurons d’accord, diront-ils, que le croiseur du large ne saurait jouer le rôle d’éclaireur