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lui-même ce qui se passe, sans une certaine hauteur de mâture qui ne s’allie qu’à des dimensions générales assez fortes ?

Mais de l’impossibilité d’échapper aux vues de l’ennemi, puisqu’on ne dispose ni de couverts ni d’ « accidens de terrain », il résulte une conséquence importante : c’est que, pour rester en vue du port, il faudra combattre, et combattre souvent, car, à juste titre inquiet de cette surveillance obstinée, le commandant en chef ennemi donnera l’ordre à ses bâtimens légers de s’engager à fond avec notre éclairent toutes les fois qu’ils en auront l’occasion.

De tels combats ne peuvent être soutenus avec avantage, dans une situation si aventurée, sans la supériorité de la vitesse et l’égalité de l’armement offensif. Un armement défensif sérieux sera même nécessaire : cloisons transversales pour neutraliser les coups d’enfilade, pont blindé qui protège les machines, cuirassement des œuvres mortes qui provoque immédiatement l’explosion des projectiles de calibre moyen.

Eh bien ! tout cela nous entraîne fort loin : 20, 21 nœuds de vitesse, des pièces de 10 ou de 19 centimètres en tourelles fermées, beaucoup de canons légers et de mitrailleuses, des plaques de 8 à 10 centimètres d’acier sur les œuvres mortes, sans parler des cloisons, ni du pont qui recouvre les machines… Enfin le faisceau complet des armes modernes avec l’outillage compliqué qu’elles comportent sur un navire de combat.

Fort heureusement, ni l’appareil moteur, ni l’approvisionnement de combustible n’absorberont le poids qu’ils absorbaient chez notre croiseur du large : l’appareil moteur, parce que 13 000 chevaux suffiront à des navires qui ne doivent pas dépasser 6 000 tonnes, et que d’ailleurs, n’ayant pas besoin de pousser à l’extrême les garanties de solidité, on peut se contenter d’un poids de 60 kilogrammes par cheval-vapeur ; l’approvisionnement de charbon, parce que sur des théâtres d’opérations aussi restreints que les mers de l’Europe, le rayon d’action peut être diminué sans inconvénient, et que l’on satisfera à toutes les exigences raisonnables en consacrant au combustible le cinquième du déplacement au lieu du quart, soit 1 200 tonneaux au plus.

Ainsi, d’une part, facultés stratégiques atténuées, de l’autre, facultés tactiques accentuées, telles sont, par rapport au croiseur du large, les caractéristiques de l’éclaireur d’escadre, à ne le considérer du moins que dans son rôle d’observateur à l’entrée du grand port où s’organise la flotte ennemie. Voyons si notre première impression se modifiera par l’examen des autres situations où peut se trouver placé un bâtiment de ce type.