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contente sur la plupart des croiseurs. Des masques en tôle d’acier protégeront les servans des pièces et le personnel dirigeant contre la grêle de projectiles légers lancée par les canons-revolvers, les mitrailleuses et les fusils.


Est-il bien nécessaire, maintenant, d’insister sur les méthodes de combat de notre croiseur du large ?

Se refuser, se dérober aux adversaires les plus forts ; au besoin les dégoûter d’une poursuite sans grand espoir par un coup bien calculé et adressé exactement. Canonner de loin les croiseurs de puissance moyenne et rebuter les plus tenaces par la régularité, par la précision du tir d’une artillerie bien servie. Accabler rapidement les faibles par un feu violent à petite portée, tels sont les principes essentiels d’une tactique qui, certes, n’a rien de chevaleresque, mais qui répond expressément à l’objectif que le commandant de notre croiseur ne doit jamais perdre de vue : se maintenir le plus longtemps possible sans avarie, sur les routes de navigation des paquebots ennemis.

De cette tactique, la base fondamentale est évidemment la vitesse. Il faut que celle de notre croiseur soit franchement supérieure à celle de tous les croiseurs étrangers. Nous avons admis implicitement, tout à l’heure, que 24 nœuds suffisaient, si les nôtres étaient assurés de s’y tenir plus que ceux de la Grande-Bretagne ne le sont d’y atteindre. Mais il convient de prendre garde à ceci : le plan que nos puissans rivaux étudieront demain sera réalisé avant celui dont notre ministère arrête aujourd’hui les grandes lignes. Faisons donc un effort de conception qui rétablisse l’équilibre, et si un juste instinct nous avertit que 25 ou 26 nœuds seront nécessaires dans quelques années, n’hésitons pas à les demander aux constructeurs.

La lutte pour la vitesse est ouverte. Que notre marine s’y engage hardiment ! Pour forcer le succès, quand on ne dispose pas du nombre, il ne suffit pas de faire aussi bien que l’adversaire, il faut faire mieux.

Nous n’avons rien dit encore de la tactique du croiseur du large contre les navires marchands. Elle existe pourtant ; elle est même assez délicate, bien que le principe en soit fort simple et se puisse résumer en quelques mots : arriver, sans être reconnu, jusqu’à portée de canon du paquebot.

Sans être reconnu, disons-nous… Sans l’être du moins à trop grande distance, et ceci est d’une importance capitale, en dépit de la supériorité de marche de notre croiseur. Remarquez que les navires dont la capture est la plus intéressante, les grands