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La grosse question est celle de l’artillerie. Quels sont les canons qui conviennent à notre croiseur ? — Les gros calibres ? — évidemment non. Il ne s’agit pas de perforer des cuirasses ; la puissance balistique reste hors de cause et nous n’avons souci que de la justesse et de la portée.

Les calibres moyens ? — Oui, mais l’échelle en est encore bien étendue et les poids varient de 1800 kilogrammes à 11 000 quand on passe du canon de 10 centimètres à celui de 19.

Pour nous décider et pour justifier notre choix, nous invoquerons le principe posé au début de cette étude : le croiseur du large est exclusivement un preneur de paquebots. Il ne doit accepter le combat que d’adversaires dont il n’a pas à redouter d’avaries sérieuses, restant maître au surplus de choisir sa distance, grâce à une vitesse supérieure. Nous pouvons donc éliminer les pièces lourdes et nous arrêter au calibre de 10 centimètres. En revanche, nous nous donnerons les bénéfices du nombre des bouches à feu et de la rapidité du tir.

Ainsi le fond de l’armement de notre croiseur se composera de 24 pièces de 10 centimètres à tir rapide (12 coups par minute) et d’une longueur de 40 à 50 calibres, ce qui leur donnera, avec une vitesse initiale de 800 mètres environ, une parfaite justesse aux grandes portées. Cette belle batterie ne pèsera pas plus de 200 tonnes, c’est-à-dire 1,7 pour 100 du déplacement total, et elle lancera en quelques instans une masse de fer et d’explosifs violens vraiment considérable ; de sorte qu’après tout, nous envisageons sans appréhension trop vive l’éventualité d’un engagement forcé de notre croiseur avec un navire de son type armé de canons plus puissans.

Toutefois nous allons renforcer nos 24 pièces de 10 centimètres de deux bouches à feu auxquelles un rôle spécial sera réservé. La première, un canon de 14 centimètres, long, établi à l’avant, hâtera, dans certains cas, la capture du paquebot poursuivi. En effet, son projectile de 30 kilogrammes conserve mieux que le boulet de 14 kilogrammes du canon de 10 centimètres sa force vive aux grandes distances, et nous assure ainsi des effets balistiques plus décisifs sur des coques d’ailleurs dépourvues de tout cuirassement.

La seconde de ces bouches à feu sera établie à l’arrière pour le combat en retraite. Nous la destinons à contraindre les grands croiseurs ennemis de cesser une poursuite qui aurait pour effet — question de tactique mise à part — de nous faire consommer une trop forte quantité de notre précieux combustible, dette pièce n’est autre qu’un obusier de 20 centimètres, long de 10 à