et, à travers la grille, on distinguait aux pieds de la Vierge un bouquet de roses artificielles ; les marches du large escalier étaient creusées au milieu par l’usure, comme celles d’un autel antique, et, dans chaque creux, la pierre prenait des reflets jaunâtres. Tout exprimait la mélancolie de la vieille maison héréditaire où don Bartolomeo Celaia, resté dans la solitude et parvenu au seuil de la vieillesse, avait conduit cette compagne et engendré son héritier.
En montant, George voyait avec les yeux de l’âme cette jeune femme pensive et cet enfant exsangue ; il les voyait très lointains, dans un éloignement chimérique, au fond d’une chambre écartée où personne ne pouvait pénétrer. Il eut un moment l’idée de revenir sur ses pas ; et il s’arrêta, perplexe, au milieu de l’escalier blanc, haut et désert : il était dans un état d’inquiétude indéfinissable : il venait de perdre encore une fois le sens de la réalité présente ; il se sentait encore une fois sous le coup d’une épouvante vague, comme tout à l’heure dans le corridor lorsqu’il avait aperçu la porte ouverte et la chambre vide. Mais, soudain, il entendit un bruit et une voix, comme si quelqu’un chassait quelque chose ; et un chien gris, efflanqué, misérable, un mâtin de carrefour, que la faim sans doute avait poussé à s’introduire furtivement, dévala du haut de l’escalier et le rasa au passage. Un domestique en train de poursuivre le fuyard à grand bruit apparut sur le palier.
— Qu’y a-t-il donc ? demanda George, visiblement troublé par la surprise.
— Rien, rien, monsieur. Je chassais un chien, un vilain chien rôdeur qui tous les soirs se glisse dans la maison sans qu’on sache comment, à la manière d’un fantôme.
Ce petit fait insignifiant, joint aux paroles du domestique, fit croître en lui cette inexplicable inquiétude qui ressemblait à l’angoisse confuse d’un pressentiment superstitieux. Et ce fut peut-être cette angoisse qui lui suggéra la question :
— Luchino va bien ?
— Oui, grâce à Dieu ! monsieur.
— Il dort ?
— Non, monsieur, il n’est pas encore couché.
Précédé par le domestique, il traversa de vastes chambres qui paraissaient presque vides et où les meubles, de forme démodée, occupaient des places symétriques. Rien n’indiquait la présence d’habitans, comme si ces chambres fussent restées closes jusqu’alors. Et il se dit que Christine ne devait pas aimer cette demeure, puisqu’elle n’y avait pas répandu la grâce de son âme. Presque tout y était demeuré tel quel, dans l’ordre où l’épouse l’avait trouvé en y entrant le jour de son mariage, dans l’ordre où