Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/699

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donner plus de crédit aux billets, ne sont plus qu’au nombre de 3[1], depuis le désastre de la Banque romaine.

Si les prescriptions législatives et réglementaires pouvaient avoir la vertu magique que l’inexpérience parlementaire leur attribue trop souvent, de suppléer par leur action automatique à la capacité et à la probité de ceux qui sont à la tête des entreprises commerciales, la situation des banques d’émission italiennes serait florissante, si nombreuses sont les mesures tutélaires dont leur gestion a été entourée. Limitation du chiffre de la circulation, défense d’immobilisation, obligation de mise aux réserves et détermination de la proportion du stock métallique or et argent qui les compose, élection des censeurs par les actionnaires, dépôt mensuel au greffe du tribunal de commerce du bilan établi d’après un modèle officiel et certifié par un administrateur et un censeur, publication par le gouvernement d’un bulletin des bilans, contrôle permanent d’un commissaire royal attaché à chaque banque, inspections extraordinaires, la loi a accumulé toutes les précautions pour prévenir une mauvaise gestion : autant de réglementations vaines, quand la direction d’une affaire est livrée à des mains imprudentes ou coupables.

L’histoire des banques d’émission italiennes est la démonstration de cette vérité. Si les excès de la ci roulai ion et les immobilisations ont perdu les banques, ce n’est pas faute de lois et de décrets préventifs prohibant ces abus. Los censeurs, le commissaire royal, les inspecteurs extraordinaires n’ont arrêté ni les émissions excessives, ni les emplois anti-statutaires et c’est le tuteur des banques, le gouvernement lui-même, qui les a parfois poussées dans la voie dangereuse où elles s’engageaient.

Lorsque les banques remboursent leurs billets à vue, la surabondance de l’émission n’est pas à craindre. Le remboursement du billet est le frein normal de la circulai ion fiduciaire. Lorsque, au contraire, les banques qui ont immobilisé ou perdu leurs capitaux ne peuvent plus rembourser à vue leurs billets et obtiennent le cours forcé, la surabondance de l’émission n’a plus de limites et aussitôt apparaît la dépréciation du papier-monnaie, qui a pour conséquences la hausse du change, la disparition de la monnaie métallique, l’élévation du taux de l’escompte. C’est le spectacle que nous donnent les banques d’émission italiennes. A part la Banque toscane de crédit dont l’administration a été sage, les banques d’émission italiennes ont ou immobilisé, ou perdu même leur capital, en se livrant à des opérations étrangères à

  1. Outre les banques de Naples et de Sicile, la banque d’Italie, issue de la fusion des banques Nationale d’Italie, Nationale de Toscane et Toscane de Crédit.