Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/689

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
II

Pour faire face au développement exagéré de ses dépenses, l’Italie a fait un large usage des ressources extraordinaires.

Dans ce que l’on pourrait appeler la période d’installation du nouveau royaume, quand il fallut constituer tout d’une pièce l’organisme d’un grand État centralisé de 28 millions d’âmes, les recettes ordinaires ne pouvaient suffire à cette immense tâche. Mais les lourdes dépenses de premier établissement une fois terminées, l’Italie devait payer en temps de paix ses dépenses par le produit de ses revenus normaux, c’est-à-dire de ses exploitations et de ses impôts. De même qu’un particulier marche à sa ruine quand il dépense plus que son revenu, de même un État suit une voie funeste quand il solde ses dépenses non par l’impôt, dont le poids est une sauvegarde contre les prodigalités, mais par les aliénations d’actif et par l’emprunt qui, sans répercussion sérieuse sur les contribuables, ouvrent la porte à toutes les dépenses improductives, engagées sans compter. L’emprunt, dont les nations modernes font un usage si abusif, ne devrait être permis que pour solder les dépenses de l’organisation primitive d’un État ; les dépenses d’une guerre ; enfin les dépenses de travaux publics rémunérateurs, dont le produit net atteint ou excède l’intérêt et l’amortissement de l’emprunt contracté.

L’Italie, à l’exemple de nombreuses nations, ne s’est pas conformée à ces sages prescriptions. Continuant, de 1875 à 1893, l’emploi de procédés qui ne pouvaient plus trouver leur justification dans les nécessités de la formation du royaume, le gouvernement a largement recouru, et souvent clandestinement, aux ressources extraordinaires. Au début de cette période, l’État pensa qu’on avait trop fréquemment fait un appel direct au crédit pour que de nouvelles souscriptions publiques pussent réussir. Il préféra vendre des rentes, écoulées sur le marché au fur et à mesure des besoins du Trésor. Ces ventes donnent être proscrites, parce qu’elles donnent la faculté de contracter, sans éveiller l’attention, des emprunts continus, dont le chiffre n’est pas déterminé d’une façon précise par le Parlement.

Rien n’était plus légitime que l’emprunt de 729 millions de lires autorisé par la loi de 1881 pour abolir le cours forcé. La situation de l’Italie eût été bonne, si la série des emprunts et des opérations financières anormales provoquées par la fondation du nouveau royaume avait été close par cet emprunt qui contribua