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de la taxe sur la richesse mobilière. La prospérité de l’Italie allait rendre possible, l’année suivante, la loi bienfaisante de l’abolition du cours forcé.

À partir de 1881, les déficits reparaissent, et depuis quelques années ils s’élèvent à des chiffres considérables ; la situation économique s’aggrave d’année en année. L’Italie venait de céder à l’attraction de l’Allemagne et de changer l’orientation de sa politique étrangère : M. de Bismarck avait su mettre à profit le mécontentement causé de l’autre côté des Alpes par l’occupation de Tunis et l’Italie avait conçu le désir de tirer parti d’une puissante alliance le jour où éclaterait une guerre qui, pendant longtemps, a semblé imminente. À l’attitude nouvelle de l’Italie ne sont pas étrangères la crainte du rétablissement du pouvoir temporel du Pape entretenue même dans les classes éclairées, les susceptibilités qu’ont pu éveiller les reproches d’ingratitude de notre presse, et les allures protectrices de la nation française à l’égard de la nation voisine.

Nous ne nous attarderons pas à rechercher les causes de l’entrée de l’Italie dans la triple alliance. Constatons simplement ce qu’elle a coûté à l’Italie par l’exagération des dépenses militaires, par la perte des marchés commercial et financier de la France qui ont été les conséquences de cette orientation nouvelle : voilà les trois causes qui ont engendré la crise actuelle.


I

Deux fléaux mettent le désordre dans les finances des États modernes ; ce sont le développement des dépenses militaires et le développement des travaux publics improductifs : l’Italie n’a pas échappé à celle double influence. Les dépenses de guerre, de marine et de travaux publics, en 1892-1893[1], se sont beaucoup plus augmentées que les autres dépenses d’administration qui ont peu progressé, si l’on excepte toutefois les dépenses de l’instruction publique[2] et les dépenses des pensions qui ont grandi sous l’influence du régime parlementaire[3].

Accru considérablement par suite de l’adhésion à la triple alliance, le budget des dépenses de guerre a toujours coûté cher à la nation. L’armée a joué un grand rôle qui peut donner

  1. Nous nous arrêtons en 1892-1893, parce que, à partir de cette époque, nous avons, non les comptes, mais seulement les prévisions budgétaires.
  2. Ces dépenses, en très grande partie à la charge des provinces et des communes ont plus que doublé depuis 1875 au budget de l’État (41 millions en 1892).
  3. S’élevant en 1893 à 74 millions, elles ont augmenté de 1/6 environ depuis 1875.