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d’eux, des conteurs agréables, MM. Bridgman, Weeks, Knight, Mac-Ewen ; des portraitistes ou des figuristes élégans, Pearce, Lynch ; des paysagistes habiles, Picknell, Boggs, Gross, Hausalter ; de bons animaliers, MM. Bisbing, Griffin. Si ce n’est pas là encore une école caractérisée, c’est, du moins, un groupe extraordinairement actif, intelligent, chercheur, qui peut exciter l’émulation de ses condisciples.

Les Anglais, assurément, ne forment pas, non plus, un groupe bien compact. Il y a, chez eux, aussi, des académiques et des fantaisistes, des réalistes et des dilettanti. Néanmoins, quoiqu’ils fassent, ce qui les signale presque tous, c’est la décision qu’ils apportent dans l’application de leurs systèmes, l’énergie qu’ils mettent à se montrer hardiment des dessinateurs incisifs ou, le plus souvent, de puissans coloristes. Leurs enivres ont, en général, une tenue qui frappe et une unité qui impose. On y sent une longue réflexion, sinon une théorie préconçue, et une réflexion approfondie, si ce n’est une réminiscence littéraire. La culture d’esprit, en un mot, s’y révèle plus constamment qu’ailleurs, en même temps que la culture technique s’y montre plus attentive, parfois compliquée et anxieuse, toutes deux résultant des fréquens voyages, des comparaisons répétées, des lectures étendues.

MM. Burne-Jones, Orchardson, Herkomer, représentent bien, dans la génération finissante, ce dilettantisme compliqué qui, en Angleterre, vivifie souvent, mais parfois appauvrit ce sentiment natif des réalités extérieures commun à toutes les races septentrionales. Leur art, à tous les trois, lorsqu’ils l’appliquent à la légende ou à l’histoire, est un art aristocratique, d’une distinction un peu fatiguée. Pour bien comprendre la poésie de l’Amour dans les ruines, il est bon d’avoir fréquenté, chez eux, au pays des ruines et de l’amour, Mantegna et Botticelli ; pour s’amuser dans le Salon de Mme Récamier, il faut en connaître, depuis longtemps, par un commerce assidu, le personnel varié ; pour être séduit par la nudité douce et froide de Toute belle, toute pure, de M. Herkomer, il n’est pas inutile d’avoir rêvé, sous le brouillard, devant les marbres et les vases du British Muséum, un Tennyson dans sa poche, avec quelques souvenirs de Munich. Ces peintures ne s’adressent donc pas à des esprits simples, et c’est pourquoi les peintres, ceux qui sont avant tous des peintres ou ne sont que des peintres, ne partagent pas toujours pour elles l’admiration ou l’estime qu’elles inspirent à tant d’excellens amateurs. Mais où s’arrête l’art ? où finit la littérature ? Dans quelle mesure l’art doit-il et peut-il vivre de littérature ? Jusqu’à quel point la littérature peut-elle faire dévoyer l’art ? Questions de fait, plus que de principes, mais que nous ne saurions traiter ici. Pour