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de banal ni d’indifférent. Est-il bien certain néanmoins que ce dilettantisme italianisant le mène plus loin que n’eût fait sa première émotion, si vive et si sincère, devant les souffrances et les labeurs de son cher peuple flamand ?

Les Hollandais sont peu nombreux : MM. Israels, Martens, H. Vos, avec trois ou quatre autres, mais ils comptent parmi eux un maître, M. Mesdag, qui suffit à leur gloire. Ses deux marines, Après l’orage et Marée montante, égalent, comme puissance d’expression, comme sûreté d’exécution, tout ce qu’il a fait de plus vrai et de plus grand. Le vieil esprit hollandais, pour la fine intelligence des figures familières semble être passé, en ce moment, chez les Scandinaves. L’Adieu d’un paysan à sa fiancée, dans un bois, deux figures naïvement laides, mais d’une tendresse naturelle et touchante, par M. Edelfelt ; les portraits en pied de Boursiers d’Amsterdam, fermement campés et spirituellement brossés, par M. Kroyer ; les Dentellières, si vivement groupées dans un frétillement de chiffons et de lueurs, par M. Zorn, sont des œuvres très diversement mais très nettement caractéristiques d’une façon particulière de saisir les mouvemens et les expressions de la figure humaine sous quelque échappée rapide ou lente de lumière subtilement nuancée. MM. Edelfelt et Kroyer sont aussi des paysagistes entérites, mais leur maître à tous reste M. Thaulow qui, cette année encore, nous apporte d’incomparables études de rivières gelées et de nuits fraîchissantes, soit qu’il les aille chercher dans sa Norvège, soit qu’il les prenne en Normandie, puisqu’il est devenu Dieppois.

Des Russes ? nous en avons. M. Constantin Makowsky travaille toujours dans le grand, sur de petits sujets, avec un goût heureux pour les somptueux costumes de la vieille Russie. L’Épreuve qu’un vieux boyard impose à sa femme, dont la conduite l’inquiète, en lui faisant donner, devant lui, un baiser par le jeune prince qu’il soupçonne, est de celles qui ne seraient peut-être pas fort concluantes dans une société moins primitive. M. Pranishnikoff, le peintre de soldats lilliputiens, travaille toujours dans le petit, avec une finesse singulière (Une charge de dragons russes, Une retraite après l’attaque). Des Polonais ? L’un d’eux, M. Jean Rosen, est l’auteur d’un des petits tableaux les plus entourés aux Champs-Élysées : Napoléon Ier quittant l’armée à Smorgonie. Ce n’est pas, à coup sûr, de l’art indigène. Pour le fond, pour le mouvement juste et vif des personnages, pour le dessin net et appuyé des bêtes et des gens, c’est du Meissonier, avec une pointe, en plus, pour la tonalité sombre et triste, de pratique hongroise ou allemande ; en tout cas, ce serait bien partout. Quant aux Hongrois, leur gravité s’enfonce, de plus en plus