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visage frais et délicat, avec des regards si doux et si fins, de la grande dame, n’en apparaîtront que mieux, de plus en plus clairs et parlans, et sembleront à la postérité ce qu’ils nous semblent être déjà, les traductions les plus sincères et les plus fermes qu’on ait osé faire de nos contemporains.

Aux Champs-Elysées, sauf de rares exceptions, c’est dans le même esprit que MM. Henner, Dubois, Bonnat, c’est-à-dire par la précision du dessin, la simplicité de la pose, la sobriété du coloris, que les portraitistes cherchent à nous retenir. Le portrait de M. Ambroise Thomas par M. Baschet est d’une belle tenue, d’une impression grave et juste, d’une exécution simple et ferme. Deux portraits d’hommes par M. Morot ont un accent de vie et de vérité qui attire tous les yeux. Plusieurs artistes, non des moindres, pensant au Louvre ou à leur famille, se présentent eux-mêmes au public ; on doit croire qu’ils l’ont fait en bons termes. Le Portrait de Bouguereau par lui-même est un de ses bons morceaux, un de ceux que ce maître caressant a le plus heureusement caressés. On regarde aussi avec intérêt ceux de M. Jules Breton et de M. de Winter, qui sont dans le même cas. Il serait difficile, dans ce genre d’ouvrages, de signaler tous les bons morceaux sur lesquels l’œil s’arrête avec plaisir. On ne peut que mentionner, parmi les images viriles, celles qu’ont signées MM. Joseph Aubert (Cardinal Richard), Louis-Edmond Fournier (M. François Coppée), Bordes (M. Paul Cambon), Morisset, Weber, etc. parmi les figures féminines, portraits ou fantaisies, celles qui sont dues à MM. Jules Lefebvre, Benjamin-Constant, Doucet, Wencker, Axilette, R. Collin, Humbert, Maxence, Aviat, Mlle Juana Romani, etc. Les portraits de Leurs Altesses Boy aies le Prince de Galles et le Duc de Connaught, par M. Detaille, sont une œuvre de plus haute portée. Le prince et son fils, à cheval, de grandeur naturelle, se présentent presque de face ; le prince montre à son fils quelque chose sur la droite ; du côté où, dans l’éloignement, s’avancent, alignés, les régi mens écossais. Le dessinateur précis et sûr semble avoir pris plaisir à accumuler les difficultés d’attitudes et de raccourcis, pour montrer avec quelle aisance il les savait vaincre. Après ces images princières, l’ensemble de portraits qui attire le plus la curiosité de la foule est la réunion d’hommes de lettres dans un jardin, à Ville-d’Avray, chez M. Alphonse Lemerre, leur éditeur. On s’y montre les.visages fort ressemblans de MM. Sully Prudhomme, André Theuriet, Jules Breton, F. Coppée, de Heredia, Bourgef, Hervieu, Dorchain et quelques autres habitués d’une maison hospitalière aux poètes depuis tantôt trente ans, autour de leur ami et maître, Leçon le de Lisle. Depuis que le peintre, M. Paul Chabas, a esquissé cette scène amicale, la Mort, hélas ! a traversé cet abri de feuillage ;