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âges et des différentes races poussent à des analyses plus intimes de leurs caractères et de leurs âmes.

Il nous répugne fort, d’ailleurs, quelque talent qu’on y mette, de voir, en revanche, la curiosité des peintres ouvrir uniquement les chroniques pour en extraire des anecdotes scabreuses, comme si les journaux judiciaires ou fantaisistes ne suffisaient pas à fournir leur pâture quotidienne aux imaginations salies ou blasées. La Mariade Padilla (maîtresse de Pierre le Cruel) nous donne une étonnante idée des mœurs de l’Kspagne au XIVe siècle. « La chronique rapporte que, lorsque la belle favorite se baignait, il était d’usage que le roi et ses courtisans vinssent lui tenir compagnie. La galanterie suprême voulait alors que les cavaliers bussent de l’eau du bain des dames. » Telle est la galanterie suprême que M. Gervais a cru devoir immortaliser, non pas heureusement dans les proportions colossales qu’il avait données, l’an dernier, à ses trois honnêtes dames du Jugement de Paris, mais dans des dimensions encore excessives. En se resserrant un peu, l’habileté du peintre, dont l’œil est très sensible, mais qui saisit mieux les détails que l’ensemble et les subtilités de la lumière que sa juste distribution, est aussi devenue plus appréciable ; elle gagnerait à se restreindre plus encore, surtout en des sujets de si petit vol et qui ne méritent point l’honneur qui leur est fait.

C’est, en général, il faut le reconnaître, un genre d’émotions plus pures que cherchent dans l’histoire ceux qui s’adressent à elle pour raviver ou entretenir leur rêve. Jeanne d’Arc, comme d’habitude, apparaît en de nombreuses toiles, sinon toujours réalisée avec une suffisante poésie, toujours du moins appelée d’un cœur ému et scrupuleusement respectée. La Vocation de Jeanne d’Arc, par M. Azambre, la Jeanne d’Arc à Compiègne, par M. Marcel Pille, la Jeanne d’Arc entendant ses voix, de M. Bonnefoy, ne sont pas sans mérite. M. Sautai nous montre Saint Geoffroy, évêque d’Amiens, à la Grande-Chartreuse, avec ce sentiment recueilli des attitudes monastiques et des architectures claustrales qui lui est particulier. Il y a progrès marqué, pour la précision du dessin et la réalisation des types rêvés, dans les Fiançailles de M. Charrier, et l’Adieu par M. Bussières. M. de Richemont a traité, avec sa distinction accoutumée, la Légende de Sainte Notburge. Aux Champs-Elysées, où se trouvent toutes ces compositions, on peut voir encore, dans les salles des dessins, aquarelles et pastels, outre un projet de décoration sur la Vie de Jeanne d’Arc par M. J.-P. Laurens, une grande aquarelle, visiblement inspirée des maîtres du XVe siècle, mais qui est un début à signaler, le Sommeil de la Vierge, par Mlle Sonrel.

Dans le même salon quelques grands tableaux religieux, dus