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LES SALONS DE 1895

LA PEINTURE

Le vent de folie dépensière et tapageuse qui, depuis quelque temps, agite les ingénieurs et les architectes, au grand dommage de nos promenades publiques et de nos monumens nationaux, semble devoir emporter à la fois, dans une tourmente prochaine, le jeune palais du Champ-de-Mars, où s’abrite la Société nationale des Beaux-Arts, et le vieux palais des Champs-Elysées, où réside la Société des Artistes français. L’Exposition universelle de 1900 sera la raison ou le prétexte de ces démolitions simultanées qui laisseront à la belle étoile les deux compagnies rivales, sans leur garantir peut-être pour l’avenir des installations mieux appropriées. Les Parisiens commencent à s’émouvoir, avec eux les provinciaux, et, par contre-coup, les étrangers. La suppression, même momentanée, de ces Salons encombrés et peu choisis, dont on maudit, par lassitude ou par genre, la médiocrité dans les premiers jours, mais où l’on ne cesse, pendant deux mois, d’aller prendre sa distraction et trouver son plaisir, leur paraît à tous une calamité redoutable ; tant ces fêtes annuelles de l’art, plus fréquentées que jamais par les gens du peuple comme par les gens du monde, par les bourgeois comme par les artistes, sont entrées dans les habitudes de notre vie nationale !

Que les dieux de l’administration écartent donc de nous ce calice ! Mais si leurs convictions mégalomanes ne leur permettaient pas de se rendre à nos prières, si le malheur arrive, qu’il soit bon à quelque chose ! Nous sera-t-il alors permis d’espérer voir dans l’avenir les deux sœurs ennemies, rapprochées par l’infortune, sinon s’embrasser sous le même toit, du moins y vivre côte