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une nouvelle compensation en Italie, l’abandon d’une parcelle au-delà de la ligne tracée le 7, qui laissait à l’Allemagne Cologne et les possessions prussiennes. Toutefois il était possible que, le roi de Prusse aidant, cette partie nord de la rive gauche fût cédée à la France, par l’Empire, lors de la paix générale. Cobenzl fit décider, en principe, que si la France obtenait un agrandissement en Allemagne, l’Autriche obtiendrait un accroissement équivalent. La discussion s’échauffa quand on vint aux îles Ioniennes. Gallo les demanda pour la cour de Naples, appuyé par Cobenzl, qui proposa de faire, au besoin, de ces îles une république indépendante. Bonaparte savait par l’exemple de la Pologne et par l’expérience qu’il venait lui-même de faire avec Venise, que ces reconnaissances de républiques ne sont que des préliminaires d’annexion. « Vous pourriez vous en emparer à volonté, » dit-il. Il ajouta que la conservation des îles lui était nécessaire pour se justifier auprès du Directoire. De part et d’autre, on se passionna. « Aucun débat, raconta Cobenzl, n’a été poussé aussi loin… La paix fut de nouveau rompue. » La négociation fut déclarée nulle, et Bonaparte fit insérer au protocole la dénonciation de l’armistice.

On se sépara, croyant tout brisé.

Mais, à la réflexion, les Autrichiens estimèrent que les îles Ioniennes ne valaient point les risques d’une campagne. Cobenzl offrit de renouer. Bonaparte y consentit. La conférence fut reprise, le protocole de rupture fut brûlé, le protocole d’entente remis sur la table. Cobenzl essaya de se faire payer sa condescendance par quelques positions militaires sur la rive droite de l’Adige ; il obtint un lambeau de terre, à Legnano. Puis, ces « principes » posés, on esquissa les articles qui devaient contenir les fameuses équivoques, l’une à l’adresse de la Diète, l’autre à l’adresse des Conseils de Paris. Les articles patens ne parleraient ni de la cession partielle de la rive gauche du Rhin ni de la remise de Mayence aux Français ; ils ne parleraient que d’un congrès qui se tiendrait à Rastadt, pour la pacification entre la France et l’Empire : la France ne céderait point Venise à l’empereur ; elle « consentirait » à ce qu’il possédât, en toute souveraineté, cette ville et l’Istrie, la Dalmatie et la Terre ferme jusqu’à l’Adige. L’empereur consentirait, de son côté, à ce que la France possédât les îles Ioniennes, et il reconnaîtrait la République Cisalpine, qui posséderait avec la Lombardie, Mantoue, Modène et les Légations, la Terre ferme de Venise depuis l’Adige. Les articles secrets stipuleraient le consentement de l’Autriche à la cession partielle, par l’Empire, de la rive gauche du Rhin à la France, et la promesse de la France de procurer à