nous nous arrangeons avec vous, alors nous n’avons pas besoin de lui rien laisser prendre. »
Le rôle que Bonaparte prêtait à la Prusse était précisément celui que lui attribuait la cour de Vienne. La façon cavalière dont il lui proposait de rompre ces engagemens redoutables, entre le roi de Prusse et la République, donna à Cobenzl la plus haute idée de la liberté d’esprit et de la bonne éducation politique du général. Ce Corse, décidément, entendait les affaires. « Vous y engageriez-vous par un article secret, répliqua-t-il aussitôt, avec promesse formelle de faire cause commune avec nous contre lui, s’il voulait faire une acquisition quelconque en Allemagne ? — Pourquoi pas ? répondit Bonaparte. Je n’y vois aucune difficulté, si nous sommes d’accord sur tout le reste ; mais, en cas contraire, il faudra bien que nous nous réunissions à lui. » Il ajouta même que, pour sa part, il préférait l’alliance autrichienne, mais qu’à Paris on se méfiait de la cour impériale : les retardemens de cette cour, son jeu de conférences et de protocoles font soupçonner l’idée qu’elle se prépare à la guerre ; le roi de Prusse, au contraire, négocie avec chaleur. « Dans de pareilles circonstances, les journées deviennent des années ; pour que la paix réussisse, il faut qu’elle se fasse sous huit jours. »
Cobenzl essaya encore une fois des récriminations : on ne se prête à rien, on exagère les prétentions, on ne tient nul compte de nos convenances, bien plus, on nous refuse ce qui nous a été solennellement promis ! « Mais que voulez-vous donc en Italie ? demanda Bonaparte. — Rien que ce que nous donnent les préliminaires. » Bonaparte demeura pensif. Cobenzl reprit : « Je n’ai jamais conçu pourquoi vous vous êtes tant opposé à ce que nous passions le Po. Je ne vois pas l’intérêt qu’y a la France. — Celui de vous empêcher d’être les maîtres de l’Italie. — C’est-à-dire que vous prétendez vouloir être nos amis… et vous ne voulez vous prêter à rien de ce qui peut nous convenir. — Mais encore une fois, qu’est-ce que vous pouvez désirer d’ultérieur en Italie ? — Les trois Légations. — Oui, et Venise aussi ! et Mantoue aussi ! — Sans doute, et ce serait encore bien peu pour obtenir notre tolérance sur une partie de ce que vous voulez en Allemagne. — Nous sommes loin de compte, car je serais pendu à Paris si je vous donnais les Légations. — Et moi, je mériterais d’être mis dans une forteresse si je ne m’opposais pas à ce que vous ayez jamais Mayence, et quoi que ce soit de la rive gauche du Rhin. »
Ils disputaient, mais c’était sur le même terrain, et, par toutes ces feintes ils se rapprochaient cependant. Après cette escarmouche, ils firent une pause. Ils tombèrent d’accord que l’Empire