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TERRE D'ESPAGNE

V.[1]
TANGER — CADIX — SÉVILLE — RETOUR A MADRID


TANGER

Les grands navires, voyageurs de haute mer, voiliers, steamers, passent au milieu du détroit que le courant et le vent marquent d’un trait indigo. Notre bateau, médiocre, s’abrite le long de la côte d’Espagne, et les montagnes se succèdent, brûlées par le soleil, incultes, inhabitées, semblables par la couleur el l’abandon à celles d’en face, à celles du Maroc, mais avec moins de relief, et des crêtes moins découpées. Des nappes d’herbe rase, d’un seul ton mordoré, descendent des cimes nues jusqu’aux écueils déserts. Là l’âme est courte et dansante. Après deux heures de route, nous doublons l’extrême pointe de l’Europe, un cap de roches très basses, que prolonge, comme un éperon, une île ronde, couverte de fortifications et au-dessus de laquelle flotte le drapeau de l’Espagne. C’est l’île des Palombes. La petite ville de Tarifa blanchit au bord d’une crique de cette côte désolée.

Alors le bateau pique droit sur le Maroc. Il est deux heures quand nous entrons dans une baie relevée à ses deux extrémités, arrondie au fond par une plage où défilent, en dandinant leurs cous, les chameaux d’une caravane. Tanger s’étage aux flancs de

  1. Voyez la Revue du 1er février, du 1er mars, du 1er avril et du 1er mai.