de rétablir sur son trône le roi, son ami et son protecteur, dictant des ordres aux officiers de son entourage pour mobiliser l’armée et la flotte qu’il voulait lui-même, disait-il, conduire à Marseille pour se mettre à la disposition du souverain déchu. Il fut bientôt démontré que la démence l’avait saisi tout entier sans laisser aucun espoir de guérison.
Ibrahim-Pacha prit en main les rênes du pouvoir avec l’assentiment de la Porte, sans être investi du litre et des prérogatives de vice-roi. On jugea, de part et d’autre, plus convenable d’en conserver les honneurs à Mehemet-Ali. Par un étrange caprice du sort, l’héritier du pacha fut bientôt atteint lui-même d’une maladie grave et il succomba au mois de novembre de celle même année 184-8, pendant que son père végétait dans une inconscience finale de ce qui se passait dans ce royaume qu’il avait fondé. Dans ses jours de colère et d’emportement, Mehemet-Ali, aimant passionnément le pouvoir et ne sachant envisager sans irritation le moment où il échoirait à son successeur, s’exclamait souvent : « Mon fils n’héritera pas de ma puissance ; je lui survivrai. » Informé de ces propos, Ibrahim-Pacha répondait : « La nature a ses droits qui se confondent avec les miens ; je gouvernerai l’Égypte. » Par un singulier concours de circonstances, ils eurent raison tous deux, le fils exerça l’autorité suprême, mais le père lui survécut.
Faut-il dire ce que fut le premier successeur de Mehemet-Ali ? Le contraste est trop frappant pour ne pas s’y arrêter un moment. La vice-royauté échut à Abbas-Pacha, petit-fils du fonda leur de cette dynastie nouvelle. Il était le plus âgé parmi ses descendans et à ce titre il hérita de son pouvoir en conformité de la loi qui gouverne, dans l’empire ottoman, l’ordre de succession au trône. Abbas-Pacha s’était montré, dès son enfance, réfractaire aux idées de son grand-père. Seul, parmi les jeunes princes égyptiens, il avait refusé de se laisser initier à l’enseignement que Mehemet-Ali imposait à ses enfans et que leur distribuaient des professeurs européens ; il n’avait jamais consenti à apprendre une langue étrangère, celle du Coran lui suffisait. Elevé dans le harem, il en avait contracté, de bonne heure, toutes les habitudes et toutes les répugnances. Il affectait un fanatisme irréductible, ne fréquentant que les mosquées, déclinant tout contact avec les étrangers que Mehemet-Ali avait appelés en si grand nombre en Égypte. L’un de ses premiers actes révéla l’intention de les éloigner sans distinction d’origine, en visant surtout les chefs des institutions de